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Critique du film et du Blu-ray Zone A
CURTAINS 1982

 

Afin de travailler le rôle principal d'Audra, un film très attendu sur la folie, Samantha Sherwood (Samantha Eggar) se fait délibérément interner dans un hôpital psychiatrique via la complicité du réalisateur Stryker (John Vernon). Celui-ci la laisse malheureusement à son sort... Quelques année plus tard, il organise une audition de six actrices pour la reprise du rôle. Malheureusement, elles commencent toutes à se faire assassiner, tandis que Samantha revient elle aussi pour obtenir le rôle coute que coute.

1980. Le producteur Peter Simpson (LE BAL DE L'HORREUR et ses suites) vient de virer le réalisateur Rex Bromfield de la fin du tournage de MELANIE. Il demande au jeune directeur photo belge Richard Ciupka, alors étoile montante, de terminer les derniers jours. Content du boulot, il lui propose dans la foulée de réaliser CURTAINS, un slasher horrifique avec Samantha Eggar (CHROMOSOME 3, LES DOIGTS DU DIABLE) et le très prolifique et respecté John Vernon (FANTASTICA, UNE JOURNEE PARTICULIERE, SIX MINUTES POUR MOURIR). Il accepte, malgré les ondes négatives autour du producteur, réputé difficile. Peter Simpson déclare que CURTAINS "est dirigé vers un public adulte", car il fut "nerveux quant aux échecs répétés de films destinés aux teenagers, comme LE MONSTRE DU TRAIN". Mal lui en prend, car le film va subir plusieurs problèmes qui n'aboutiront pas à ce qui était prévu au départ. Ce qui commença par Céline Lomez (PLAGUE, THE KISS) une actrice à l'accent français prononcé, éjectée au bout de quelques jours et remplacée au pied levé par Linda Thorson (Tara King dans CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR). Ciupka va alors voir son premier film partir en jus de boudin.

La vision de CURTAINS, sorti uniquement chez nous en VHS, demeure agréable dans le sens où l'on assiste à un thriller "whodunit" mâtiné d'atmosphère d'épouvante plutôt soigné. Visuellement élaboré, doté d'une photographie précise et travaillée... il s'agit d'un petit budget, mais clairement, on voit tout l'argent à l'écran, et même plus. Ecrit par Robert Guza Jr, qui venait de scénariser LE BAL DE L'HORREUR, acteurs crédibles... dont une Samantha Eggar remarquable et un John Vernon parfait en réalisateur ambigu et manipulateur. Un emballage amusant, à base de rideaux qui se lèvent sur les scènes, voulant à la fois jouer sur le tableau de la théâtralisation des meurtres, le jeu réel/fiction et l'aspect de double lecture théâtre et cinéma. Et surtout un flair visuel évident qui placent CURTAINS au-dessus de la mêlée des films réalisés à cette époque.

Malgré tout, des aberrations et incohérences vont rapidement faire leur apparition. Des personnages arrivant par la petite porte (un tout jeune Michael Wincott) et disparaissant comme par enchantement sur un skidoo une bouteille d'alcool dans le ventre... pour ne plus revenir. Un début déséquilibré dans l'hôpital psychiatrique qui marque une entrée en matière beaucoup trop longue. Une incursion fantastique avec une poupée maléfique arrivant comme un cheveu sur la soupe... pour repartir, sans aucun rapport avec l'histoire. Si ce n'est sa présence sur l'affiche du film. Puis une fin en dépit du bon sens, un chute de corps du haut d'une maison, qui réussit à effectuer un triple alto arrière pour une trajectoire en arc de cercle et revenir s'encastrer dans une fenêtre un étage plus bas ! Sans compter un montage avec des erreurs. Comme par exemple le plan de coupe de la maison à 29mn41 montrant clairement la fenêtre du premier étage brisée. Alors que la scène de chute depuis cette fenêtre n'intervient que beaucoup plus tard dans le film. En effet, CURTAINS est pétri de perles indigentes et incompréhensibles qui aboutissent à un bordel bien fumeux. Ceci n'empêche cependant pas le film de tenir la route du fait du grand professionnalisme de la mise en image et du jeu des acteurs.

En fait, il existe deux films en un. Le premier tourné par Richard Ciupka et le second tourné deux ans après par le producteur, mécontent du produit présenté. Il va donc chambouler le scénario original, jouer au puzzle avec les scènes déjà tournées et donner une direction différente à l'ensemble. Cela fait que les premières minutes et le dernier quart d'heure du film sont remplacés. Peter Simpson va rappeler une partie du casting (dont certains ont changé de coiffure voire pris du poids!) pour diriger CURTAINS vers l'internement de Samantha au début du film et la fin en slasher. Les scènes tournées en 1980 ne correspondent pas avec la photographie et le ton de celles tournées plus tard. Ce qui est visible avec la scène de la voiture écrasant la première actrice après la 24ème minute), qui est en fait la première de ce qui reste du tournage initial. Même le maquilleur Ed French y va de son commentaire, indiquant que Samantha Eggar refusa le maquillage qu'elle devait porter pour la créature, et que le tout se termina avec un masque de tueur porté tout au long du film.

Plusieurs fins seront par ailleurs tournées, comme les photos de tournage et le récit de Lesleh Donaldson en attestent, et on se demande aussi pourquoi celle qui reste a été choisie. Des décisions de production et de narration difficilement acceptables. Ce qui aboutira au fait que Richard Ciupka refusa d'apposer son nom, ne reconnaissant pas ce qu'il avait signé et tourné. Le film sera finalement réalisé par "Jonathan Stryker", qui est le nom du personnage de John Vernon. Le film sortira dans une petite indifférence, sombra pour revenir via les belles heures des vidéoclubs où il rencontra un certain succès, jusqu'à de nombreuses rediffusions télé. D'où une certaine attente de fans qui ont permis la sortie d'une édition en Blu-ray.

Synapse Films s'occupe du lancement en haute définition sur le marché mondial. Un Blu-ray codé A, en 1080p et MPEG4 - AVC. Le format original 1.85:1 passe au 1.78:1 comme il est devenu habituel, et agrémenté d'un remixage sonore en DTS HD Master Audio 5.1 alors que le film fut mixé en mono à l'origine. La durée complète est de 89mn07. Et le résultat est surprenant d'un point de vue visuel. De très rares poussières, mais un superbe travail sur la restitution des couleurs, le niveau de contrastes, le naturel des peaux. Une définition impeccable respectant à la fois le grain d'origine 35mm du film, notable surtout à la fois sur les scènes extérieures et de nuit quant à l'expérience cinéma. La scène de patinage de Lesleh Donaldson (à partir de la 42e mn) est un modèle en ce sens : le blanc éclatant de la glace et de la neige, l'attaque au ralenti qui permet de déceler le niveau de détail et les couleurs choisies. Du très beau boulot, d'autant qu'il s'agit d'un des tous meilleurs moments du long métrage.

Idem côté sonore : on aurait pu craindre qu'un passage en 5.1 non compressé d'une piste mono puisse y perdre de son naturel. il n'en est rien, tant l'apport en effets sonores multi-directionnels donnent un plus à l'ensemble. La musique de Paul Zaza, malgré son peu d'affect pour celle-ci, s'avère dynamique, tout comme le rendu des dialogues, clairs et limpides. Le mixage original mono encodé sur deux canaux est également disponible, là aussi en DTS HD Master Audio. Il se trouve lui aussi de très bonne facture. Cette édition est cependant réservée aux spectateurs connaissant la langue anglaise : aucune option francophone ne se trouve sur la galette. Seuls de sous-titres anglais optionnels.

Synapse a également élaboré une belle brochette de bonus : typiquement ce que chaque fan est en droit d'attendre d'une édition comme celle-ci. Tout d'abord le documentaire en HD "The Ultimate Nightmare : the making of Curtains" qui revient en profondeur sur le déroulé des événements. Richard Ciupka s'y livre de manière libre, sans rancoeur particulière mais avec une mémoire d'éléphant, ayant beaucoup d'éloges sur ses acteurs. Tout en prenant très à coeur son nouveau rôle de metteur en scène puisqu'il s'agissait de son premier films. Tout comme les actrices Lynne Griffin (toute heureuse d'échapper à sa condition de sempiternelle victime !- et Lesleh Donaldson, pensant qu'il s'agit d'une bonne chose si personne ne voyait le film, excellentes clientes, brillantes, drôles et avec beaucoup de recul sur la destinée du film. Paul Zaza, qui espérait être viré, et le monteur du film reviennent aussi sur cette expérience à part, surtout sur le travail de sauvetage et transition vers la version finale qui a requis une sacrée dose d'imagination pour transformer une scène vers une autres à la signification radicalement différente : la scène du corps encastré dans la fenêtre est à l'origine Michael Wincott fonçant avec son skidoo dans la maison. Ce qui donne dans la version finale un corps chutant du premier étage et décrivant une hyperbole vers la fenêtre du bas ! Magie du montage. Ce documentaire est absolument impératif à visionner après le film, et un des meilleurs récemment élaboré.

Puis un document d'époque sur le réalisateur racontant son passage de directeur photo à celui de réalisateur. Un look d'époque, à la qualité quelque peu fatiguée même si diffusée en HD. Mais un témoignage pris sur le vif plus qu'intéressant. Vous aurez aussi la possibilité d'écouter le commentaire audio de Lynne Griffin et Lesleh Donaldson, aidées par un modérateur sachant relancer la machine quand les actrices semblent à bout d'anecdotes (assez riches ceci dit!). Là aussi, comme dans le documentaire, les deux actrices ne sont pas avares à la fois sur leur carrière tout comme ce qui s'est passé le long du tournage.

Enfin, cerise sur la gâteau, des interviews audio d'époque du producteur Peter Simpson et de Samantha Eggar, le tout en DTS HD Master Audio 2.0, pendant environ 55mn. Il faut vraiment tendre l'oreille, car la qualité audio ne se trouve pas au rendez-vous. Mais la rareté du document l'emporte. Pendant les 44 premières minutes, Peter Simpson se remémore le tournage et dans un langage assez cru, parle des actrices dont Ann Ditchburn, "la danseuse qui ne savait pas jouer" mais qui selon lui, était superbe car dotée "d'un cul de danseuse, les fesses les plus fermes qui existent". Classe ! Les journalistes tentent bien de tirer quelques vers du nez du producteur mais Simpson reste impassible quant aux différentes absurdités du film. Si ce n'est que la poupée, qui ne sert plus à rien à l'arrivée, est "très inquiétante". Samantha Eggar s'étend elle de 44mn49 à 55mn25 plus sur sa carrière qu'autre chose. Le film annonce original aussi en haute définition complète le tout.

Au final, un produit erratique, absurde mais qui garde un charme indéniable : CURTAINS n'est pas le film initialement prévu et ne restera pas dans les annales du film de genre, l'horreur y en étant quasi absente par la même occasion. Sauf du fait de sa destinée particulière, son remontage aberrant et son atmosphère visuellement splendide. Cette édition Blu-ray lui rend un hommage vibrant, tout à fait mérité et d'une qualité évidente. Pour les fans qui parlent anglais, cette édition est un must.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
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Une HD superbe
Des bonus de grande qualité
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Un film bancal
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L'édition vidéo
CURTAINS Blu-ray Zone A (USA)
Editeur
Synapse
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
USA (Zone A)
Date de Sortie
Durée
1h29
Image
1.78 (16/9)
Audio
English DTS Master Audio 5.1
English DTS Master Audio Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • The Ultimate Nightmare : The Making of Curtains (35mn51)
    • Ciupka : a filmaker in transition (15mn09)
    • Film annonce original (1mn44)
    • Interviews audio Peter Simpson/Samantha Eggar (55mn25)
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