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Critique du film
APP 2013

 

Anna Rijnders (Hannah Hoekstra) est une jeune étudiante qui n'est jamais loin de son smartphone. Elle est très proche de son amie Sophie (Isis Cabolet) et de son frère paralysé Stijn (Alex Hendrickx). Après une nuit de fête, elle se retrouve avec une application téléchargée de manière inexplicable, Iris. Cette app se révèle pratique mais mal lui en prend, elle commence à scruter sa vie, s'immiscer dans son quotidien jusqu'à ne plus pouvoir s'en débarrasser… et polluer ses relations, menant jusqu'au meurtre.

Petite révolution dans le cinéma, APP tente la jonction entre les écrans en proposant une expérience de projection cross-media. On peut donc télécharger l'application pour smartphone du film afin de pouvoir interagir et «ressentir» ce que l'appareil fait subir aux protagonistes du métrage. Plus clairement, votre smartphone va se synchroniser avec le film et provoque la réception de messages inquiétants en même temps que l'héroïne. On pense à une version XXIème siècle des gimmicks de William Castle, le premier à avoir penser l'interactivité avec le spectateur, comme dans, par exemple, LE DESOSSEUR DE CADAVRES.

APP apporte sa petite pierre à l'édifice des métrages qui ont pour sujet le téléphone et ses menaces. De classique de la frousse comme RACCROCHEZ C'EST UNE ERREUR d'Anatole Litvak en passant par TERREUR SUR LA LIGNE jusqu'aux suspens teenagers actuels, il y a le choix. On avait déjà la série de LA MORT EN LIGNE de Takashi Miike et ses messages de l'au-delà dilués dans ses suites et sa version coréenne, PHONE, ou encore la comédie HELLPHONE, il faudra à présent compter aussi avec l'Application meurtrière de APP. Un programme pour smartphone dont on n'arrive pas à se séparer existait déjà dans un film romantico-fantastique américain eCUPID, un machin dispensable qui creusait le même sillon qu'APP. Toujours plus loin dans la dématérialisation, le voyeurisme et la leçon de morale pour, au final, tenter d'animer un banal slasher adulescent, vague resucée de SCREAM, celui-ci utilisant aussi le téléphone comme vecteur de peur. Et c'est sans compter sur SCREAM 4 qui proposait des réseaux sociaux comme épiphénomène tentant de relancer la machine. Boermans n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il avait déjà tenté de diversifier le neo-thriller horrifique avec tablette numérique incluse dans CLAUSTROFOBIA. Mais à gadget numérique seul, on ne renouvelle pas un genre ou un thème qui a fait ses preuves.

En effet, la structure d'APP reste très classique. La traque d'une jeune femme, la menace qui pointe, les attaques dans une université, les cadavres de ses plus ou moins proches qui tombent, la révélation et le duel final. Aucune originalité dans le propos, à l'instar d'un neuneu 6 PLOTS avec ses SMS qui tuent. Ici, on change le SMS par une application et voilà le travail. A l'évidence, le métrage s'adresse en priorité aux 13-20 ans puisque tout est bien sage, dénué de violence et de sang. En fait, tout ça semble bien propret, comme étant pré-empaqueté pour une exploitation la plus large possible tout en empruntant ses codes de frousse et de violence à des métrages ayant fait leurs armes sur ce même sujet. APP tente une mise à jour 2.0 du slasher mais échoue à provoquer le moindre frisson. Les cinéphiles les plus hard-core ne manqueront pas de souligner un final qui rappelle furieusement SLIVER, déjà une histoire de voyeurisme par écrans interposés qui s'introduisaient insidieusement dans la vie de l'héroïne jouée par Sharon Stone.

APP se veut intelligent... L'application se nomme Iris. Donc au choix, ce sera l'œil qui voit tout – démultiplication du monde des possibles d'un smartphone qui se substitue à l'iris humain. Ou alors, pour les plus sagaces, ça sera un joli anagramme d'un programme Apple disponible sur certaines version d'Iphone. Ensuite, l'héroïne est une étudiante en psychologie –donc la psyché humaine, ça la connait. Elle est devenu accro à son mobile – on se raccroche au virtuel lorsqu'on a un problème avec le réel, effet de bord bien connu. Et l'application se voit comme dotée d'une vie propre, sorte de néo HAL 9000 qui monitore tout – et dont l'annulation demeure impossible. APP oscille alors gentiment entre fantastique et thriller. Sauf qu'on y croit pas des masses.

Le plus rageant restant qu'avec une implication visuelle évidente, une complexification des relations humaines via une technologie envahissante, le film est d'une banalité affligeante. Si des scènes surnagent sans souci du reste, comme celle de l'agression dans la piscine, remarquablement montée et dotée d'un suspens idéal, le reste nivelle le spectateur vers le bas. Au-delà de la prouesse de rajouter un second écran au spectateur pour voir se dérouler une action en parallèle – un peu à la manière de WICKED WICKED il y a quelques 40 ans -, à côte de l'innovation technique en étant le premier à dégainer ce type d'interactivité, le film n'apporte rien d'autre. Certes, comme bon nombre de thrillers pour ado, la photographie s'avère léchée, les éclairages nocturnes savamment utilisés…la technique est au point. Mais au service d'un récit tellement quelconque et passe-partout, avec des visages translucides – un peu comme les personnages au début de SINT. On aura bien quelques écarts qu'on ne verra jamais dans du cinéma US , comme cet étudiant qui couche avec son prof pour de meilleures notes (une variation gay du «teacher's pet», somme toute), un suicide retentissant scruté par des dizaines de smartphones avides de sensationnalisme... mais au regard de l'ensemble du métrage, c'est très peu.

La meilleure chose que pointe APP est que l'invasion technologique qui prend possession de nos vies, au détriment du reste, reste teinté de danger dans de mauvaises mains. Rien de bien neuf sous le soleil. Mais entre des spectateurs cinéma aujourd'hui déjà bien irrespectueux avec leurs mobiles/smartphones/tablettes allumées pendant des séances cinéma, qui sonnent/tweetent/tchattent/whatsappent j'en passe et des meilleures, ce n'est pas APP qui va nous rendre service. Est-ce vraiment le futur de l'expérience cinéma ? Gageons que non ! De toute façon, le film ayant rencontré un écho public local minimal, il n'existe aucune chance que le film sorte chez nous, sauf peut-être via le biais d'une sortie vidéo. Mais dans un marché déjà bien saturé, est-ce bien raisonnable de sortir un produit aussi quelconque, aussi soigné visuellement qu'il soit ? D'autant que des idées de remake auront bien eu raison du sujet d'ici là… aurons-nous un jour un effet «smartcinema» à la place du «smartphone» - là où la narration de l'écran de substitution prendra le pas sur les autres ? En tout cas, APP a été confronté à un échec lors de sa sortie en avril 2013 sur 110 écrans dans son pays d'origine, la Hollande. Depuis, il a eu droit à des diffusions confidentielles hors de ses frontières comme en Russie et à Hong-Kong. Aux Etats-Unis, APP sera projeté de manière limitée en mai 2014 alors que le film sera distribué en parallèle sur la plupart des plates-formes digitales.

APP reste un film pop-corn de facture plus qu'honnête pour son budget indiqué à 750.000 euros et visuellement très riche. Il reste agréable à suivre pour un thriller qui se veut «high tech» mais est surtout totalement dispensable du fait d'un récit éculé déjà mille fois vu ailleurs.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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