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Critique du film
DJANGO UNCHAINED 2012

 

Que peut-on dire d'un film de Quentin Tarantino ? Qu'il est bavard ? Violent ? Sanglant ? Multi-référentiel ? DJANGO UNCHAINED est évidemment tout cela mais pas forcément dans des proportions très équilibrées. Cela fait bien des années que le cinéaste nous parle de son projet de Western. Un genre qui plane d'ailleurs sur la plupart de ses films ; il avait même présenté INGLOURIOUS BASTERDS comme «un Western spaghetti englobé dans l'univers de la Seconde Guerre Mondiale». Mais cette fois, ça y est, après avoir détourné le film noir, la blaxploitation, le film d'arts-martiaux, le slasher et le film de guerre, Tarantino «se fait» le Western. Et louche d'emblée vers sa version italienne, forcément. En reprenant le nom d'un des plus célèbres personnages du genre, il rend à la fois hommage au film de Sergio Corbucci de 1966 (qui révéla Franco Nero) et à la quarantaine d'oeuvres portant son nom. «Je suis heureux de dire que nous sommes une nouvelle édition de ces suites n'ayant aucun rapport...», explique-t-il avec malice.

Mais, paradoxalement, DJANGO UNCHAINED ne regorge pas de références au Western italien, hormis la présence de nombreuses musiques de Ennio Morricone, Luis Bacalov ou Riz Ortolani (DJANGO, bien sûr, qui ouvre le film, mais aussi LE DERNIER JOUR DE LA COLERE, ON L'APPELLE TRINITA, ON M'APPELLE KING...). Certains des films de Tarantino étaient beaucoup plus redevables au genre : l'oreille coupée de RESERVOIR DOGS renvoyait justement à DJANGO ; le tueur déclamant des versets bibliques dans PULP FICTION référençait un personnage de LA BRUTE LE COLT ET LE KARATE ; la mort des parents de O-Ren Ishii dans KILL BILL VOLUME 1 était inspirée visuellement par LA MORT ETAIT AU RENDEZ-VOUS... Ici, les combats d'esclaves sont plutôt à aller chercher du côté de L'ENFER DES MANDINGOS avec Pam Grier et le chasseur de primes noir a pour modèle Fred Williamson dans BOSS NIGGER de Jack Arnold.

En réalité, la référence de Tarantino semble être lui-même ou plus exactement son dernier film, INGLOURIOUS BASTERDS. Pour la deuxième fois, il se confronte à l'Histoire et la revisite à sa façon. Après le nazisme, il règle son compte à l'esclavage ; le fléau est abattu par des personnages jusqu'au-boutistes. Du «révisionnisme funky» totalement réjouissant. Mais beaucoup d'autres choses rappellent trop le film précédent pour vraiment surprendre. Auparavant, quand les personnages de Tarantino s'asseyaient à une table pour boire ou manger, ils discutaient de tout et de rien (de Madonna, de milk-shakes, de films de bagnoles...). Avec INGLOURIOUS BASTERDS, la conversation n'est plus aussi anodine, elle cache quelque chose. La longue scène de la cave où les «basterds» sont confrontés à un officier de la Gestapo qui les démasquent trouve un écho troublant dans DJANGO UNCHAINED : les chasseurs de primes King Schultz, un Allemand, et Django Freeman, un esclave affranchi, sont à la table du planteur négrier Calvin Candie qui va, lui aussi, découvrir leurs véritables intentions en arrivant (enfin) au dessert...

Et de là découle un autre défaut : la longueur. Avec ses deux heures et quarante quatre minutes, c'est le plus long film de Tarantino. Sans que l'on sache vraiment pourquoi. Le dernier tiers se traîne, c'est une évidence, alors que le rythme était auparavant très soutenu. Le gimmick consistant à planter un décor, à y faire venir les personnages et à les faire causer et s'affronter devient lassant. Entendons-nous bien : les dialogues sont excellents et les situations souvent surprenantes. Mais vingt minutes de moins n'auraient pas nui à l'oeuvre, loin de là. Les fusillades, nombreuses, sont de la même veine que les mitraillages du commando anti-nazi et aussi sanglantes que les combat de sabres de KILL BILL. Alors ? A l'instar de Dario Argento, Quentin Tarantino serait-il toujours condamné à faire le même film ? Peut-être, mais on reste tout de même dans le haut vol. DJANGO UNCHAINED reste, sinon un grand Western, un excellent film.

Niveau casting, comme d'habitude (cela n'a rien de péjoratif), on retrouve d'anciennes vedettes (Don Johnson, Bruce Dern, Don Stroud ou encore Russ Tamblyn, ces deux derniers sont méconnaissables...), des potes du réalisateur (Tom Savini, Michael Parks, Zoë Bell...) et des contre-emplois savoureux, comme Leonardo DiCaprio en négrier abjecte mais convaincu de sa bonne foi ainsi que Samuel L. Jackson (vieilli) en responsable de maison servile qui fait le jeu des blancs. Christoph Waltz est fabuleux en chasseur de primes dont la gentillesse et les bonnes manières rappellent le colonel SS Landa. Un regret : que l'apparition de Franco Nero n'en soit justement qu'une et que Tarantino ne lui ait pas écrit un rôle plus étoffé.

Rédacteur : Philippe Lombard
52 ans
4 critiques Film & Vidéo
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