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Critique du film
DOOMSDAY BOOK 2012

 

Comment un jeune homme peut mener l'humanité à son extinction en sortant les poubelles ? Un robot peut-il être l'incarnation de la sagesse suprême ? La fin du monde peut-elle se résumer à une simple partie de billard cosmique ? Trois questions qui trouveront leurs réponses dans trois histoires où l'espèce humaine est en danger !

Ji Woon Kim avait déjà collaboré à 3, HISTOIRES DE L'AU-DELA, une anthologie horrifique qui combinait les talents de trois cinéastes asiatiques venant de Hong Kong, Thaïlande et Corée du Sud. En 2006, il s'engage de nouveau dans un projet similaire où trois histoires seront mises en boîte par trois réalisateurs coréens : Pil-Sung Yim, Han Jae-rim et donc lui-même. Si les deux premiers segments sont tournés à l'époque, des soucis financiers vont stopper la production et la troisième histoire ne sera jamais tournée. DOOMSDAY BOOK va ainsi rester incomplet pendant quelques années et le réalisateur Han Jae-rim quittera le navire. Entre-temps, Ji Woon Kim, réalisateur de DEUX SŒURS, va tourner LE BON, LA BRUTE ET LE CINGLE mais aussi s'engager sur la création de J'AI RENCONTRE LE DIABLE. De son côté, Pil-Sung Yim, réalisateur de ANTARTIC JOURNAL, va mettre en boîte un surprenant HANSEL ET GRETEL. Ne voulant pas laisser plus longtemps les deux sketches au placard, Pil-Sung Yim prends le taureau par les cornes et met en scène un troisième segment sur lequel Ji Woon Kim collabore de très loin.

Il aura donc fallu six ans pour que DOOMSDAY BOOK arrive à son terme et cela explique assez naturellement l'aspect très particulier de la troisième histoire. Celle-ci ayant un peu de mal à trouver sa place parmi les deux autres d'un point de vue purement thématique. Car si les deux premiers sketches ont été écrits et réalisés par deux cinéastes, ils nous dévoilent la fin de l'humanité selon deux points de vue différents et menant à vrai dire à la même conclusion. L'homme court à sa perte quel que soit le chemin choisi. C'est d'autant plus intéressant que nombre de scientifiques et philosophes expriment le fait que les grandes civilisations finissent par s'effondrer d'elles-mêmes...

Dans la première histoire, Pil-Sung Yim narre l'extinction de l'humanité en adoptant un ton pessimiste d'un point de vue écologique. L'homme étant l'artisan de sa propre destruction car il ne sait pas préserver son environnement ou tente de modifier l'ordre naturel des choses. A ce titre, Pil-Sung Yim se lâche carrément et dévoile un visage moins sérieux que sur ANTARTIC JOURNAL ou HANSEL ET GRETEL. Bien que le sujet soit grave, le cinéaste redouble d'humour et multiplie les idées visuelles comme le dernier plan de deux amoureux zombifiés. Résumant ainsi en une image son discours d'une apocalypse biblique où à force vouloir se prendre pour le maître du monde, l'homme sera définitivement chassé de l'Eden, notre planète.

Une courte scène du premier segment de DOOMSDAY BOOK nous montre une amusante échelle de l'évolution de l'être humain. Mais il aurait été possible remplacer le dernier maillon par un robot et cela aurait pu faire un lien direct avec le deuxième sketch, réalisé cette fois par Ji Woon Kim. Changement radical de ton, l'humour se montre bien plus discret et l'histoire d'un robot empli de la sagesse du bouddhisme nous exposant une autre fin possible de l'humanité. Plutôt mystique, l'action prend place au sein d'un temple bouddhiste qui, de prime abord, devrait être le dernier bastion touché par les avancées technologiques. Ce cadre n'est bien évidemment pas choisi au hasard et au même titre que la première histoire, ce segment mettant en scène un robot se montre franchement bien plus subtil qu'il n'en a l'air. Ici, l'homme ne va pas à sa perte car il néglige son environnement mais, au contraire, car il améliore ses conditions de vie. Au point, finalement, de perdre de vue certaines contraintes, en cédant aux facilités. Un court passage nous montre ainsi une assemblée de moines désemparée par une simple question au point qu'ils se jettent pour la plupart sur leur assistant personnel de manière à y découvrir une éventuelle réponse. D'après cette étrange histoire, la technologie et les machines pourraient donc prendre le pas sur l'humanité, préférant se reposer sur des instruments plutôt que de faire fonctionner son propre cerveau.

Si d'un point de vue thématique, les deux premières histoires de DOOMSDAY BOOK sont riches en idées, on notera tout de même qu'elles sont frappées d'un curieux syndrome qui concerne de nombreux films coréens. C'est d'ailleurs l'histoire avec le robot qui est la plus touchée par ce problème. Plutôt que viser la concision, ne pas souligner l'évidence, on étire plus que de raison, on fait traîner la démonstration. Franchement dommage car la seconde histoire se prêtait justement à une approche un plus épurée, plus zen et donc sans appuyer par de trop longues joutes verbales ce qui crevait déjà l'écran ! De petits reproches à une œuvre qui se montre surprenante dans sa manière d'aborder l'apocalypse et donc la fin de la race humaine.

La troisième histoire de DOOMSDAY BOOK n'est hélas pas au même niveau que celles qui l'ont précédé. Tout du moins en ce qui concerne le contenu car ce dernier segment est une vaste blague qui emporte l'adhésion pour peu que l'on cède à son humour. On notera d'ailleurs que Pil-Sung Yim joue la facilité en recyclant, à outrance, la critique des médias qui était déjà présente dans la première histoire. Néanmoins, il faut bien reconnaître qu'en poussant assez loin la dérision, ce dernier segment contient des passages savoureux et se laisse aller à un non-sens plutôt sympathique. De plus, c'est la seule histoire qui se termine de manière optimiste, afin, peut être, de ne pas laisser partir les spectateurs en pleine déprime à l'issue de la projection !

Un peu d'horreur, une science-fiction cérébrale et la possibilité d'une catastrophe planétaire, DOOMSDAY BOOK est une anthologie surprenante. Imparfaite, comme souvent avec l'exercice du film à sketches, mais ayant le mérite de faire des constats sur notre société actuelle, ses dérives et les chemins vers lesquels elle se dirige. Le tout étant ficelé assez adroitement, on ne peut lui reprocher, finalement qu'un simple souci de rythme et de concision.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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