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Critique du film
STITCHES 2012

 

Si l'Irlande a vécu une véritable déconfiture à l'Eurovision 2012, on peut dire sans souci que l'une des meilleures surprises du Marché du Film de Cannes 2012 provient bien de ce même pays. Attention, qu'on ne nous fasse pas dire qu'il s'agit du nouveau chef d'oeuvre à la mode : le film de Connor McMahon ne sait pas planter des choux. Mais le ton ouvertement méchant et ironique fait presque oublier les défauts techniques et d'écriture qu'on remarque tout au long du métrage.

Le clown Stitches (Ross Noble, dans une forme volcanique) se rend à une fête d'anniversaire qu'il doit animer. Cela ne se passe pas très bien et il meurt accidentellement un couteau planté en pleine tête. Six ans après, le même groupe d'enfants aujourd'hui adolescents organisent une nouvelle fête. Selon la légende d'une confrérie de clowns, un clown ne se repose jamais s'il est parti d'une fête terminée brutalement. Il revient alors d'entre les morts pour se venger des abominables bambins qui ont provoqué sa mort.

Le méchant clown est une figure presque obligée du film de genre. On en compte une bonne collection depuis des décennies. Que ce soit pour rire jaune avec les KILLER KLOWNS FROM OUTER SPACE ou frissonner avec CA, CLOWNHOUSE ou LE CLOWN DE L'HORREUR, le cinéma sait puiser son inspiration dans un sujet qui semble plus faire peur que rire. A noter que le clown meurtrier par vengeance d'un groupe d'adolescents en endroit clos était déjà le sujet du film de Jean Pellerin avec Margot Kidder en 1999. Hasard ?

Dès le premier plan, le spectateur sait d'office à quel genre de film il va assister. Un clown dépravé est en train de prendre sauvagement en levrette une jeune femme dans une caravane décrépie au bord d'une falaise. En retard, il entre dans une voiture minable et se rend à une fête d'anniversaire pour des enfants. Enfants qui refusent la prestation pathétique de Stitches, jusqu'à s'en moquer ouvertement et provoquer sa mort. Ce décès va obséder le jeune héros jusqu'à ruiner ses relations avec ses amis.

Le film tombe alors dans un énième film d'adolescents au lycée, avec chaque membre du groupe tombé dans des traits de caractère qu'on se farcit au cinéma depuis des décennies. STITCHES ne cherche en rien à révolutionner le genre. Simplement à en prendre les codes préexistants et les réutiliser, encore et encore. Une simple illustration du héros frustré, on peut recoller des films américains comme LOSER ou encore GET OVER IT. Et lorsque par un effet fantastique le clown Stitches surgit de sa tombe pour terminer ce qu'il a commencé, le film vire à une nouvelle variation sur le thème du croquemitaine. Mais on pense surtout au duo Wes Craven/Robert Englund et sa multitude de séquelles ayant fait suite aux GRIFFES DE LA NUIT, croisé avec l'irrévérencieux SHAKES THE CLOWN de Bobcat Goldwaith, irish style.

Il faudra néanmoins attendre la 49ème minute avant que le film passe à la vitesse supérieure. Jusque là, il aura fallu subir une écriture cinématographique assez lâche, une interprétation médiocre et une manière de filmer assez grossière. Du Bis qui louche vers le Z. De manière sympathique mais quoiqu'il en soit, médiocre. Et dès l'arrivée de Stitches dans la fête, c'est le bonheur du Bissard qui sommeille en chacun de nous. La vengeance clownesque prend son envol. Et quel envol ! Un festival de gore qui tâche, une tempête de membres volants et d'intestins déroulés à l'hectomètre. Une mention spéciale au décapsulage de crâne et extraction de cerveau en forme de boule de glace. Si vous pensiez avoir fait le tour de crânes ouverts avec HANNIBAL et SAW III, accrochez vos ceintures.

Connor McMahon s'en donne alors à coeur joie dans le sanglant à humour très noir. Comme s'il avait rongé son frein dans la première partie. Il adjoint des sous-entendus sexuels comme seul le cinéma européen peut se le permettre. Hors de question de voir cela dans un métrage horrifique américain, même classé «R» («Restricted»). Par exemple un parapluie enfoncé à l'arrière d'un crâne, glissant à travers l'orbite d'un œil au moment où la tête de la victime tombe lentement en arrière à terre. «Prends ça par derrière» s'exclame Stitches, qui confirme sa joie en faisant surgit un sifflet sans-gêne de sa braguette au même moment. Classe.

Ainsi, le film hurle «Freddy Krueger» sur l'ensemble de sa durée. De sa structure scénaristique, au caractère de l'anti-héros psycho-killer fantastique et à sa manière de massacrer les adolescents. STITCHES est grossièrement réalisé, doté d'un scénario-prétexte à, ENCORE UNE FOIS, l'éradication d'un groupe de teenagers débiles. Bourrés à la bière, intoxiqués au sexe, perclus de drogue : on ne modifie pas une équation gagnante au cinéma. Ai-je mentionné «bienheureux les vierges» ? Non ? Ca y est, c'est fait. On se demande cependant s'il n'existe pas une volonté de parodie du genre, tant les traits de caractères sont poussés à leurs extrêmes. Ainsi le petit gros du groupe qui se révèle un mangeur hors pair. Il rappelle en ce sens la collection d'acteurs en surpoids qui ont justifié un meurtre de plus dans la ribambelle de VENDREDI 13 et consorts, comme Larry Zerner dans MEURTRES EN TROIS DIMENSIONS. Ici, il semble plus gay qu'autre chose, s'empiffre de tout ce qui lui passe sous le nez mais reste capable d'un magnifique grand écart en séance de sport tout en pianotant sur son smartphone. Comme si l'avatar se moquait de ses illustres prédécesseurs. Et il finira en morceau de viande à déguster. En fait, chacun des meurtres est inspiré par le trait de caractère de l'adolescent. On retiendra également la bonne idée de la procession de la confrérie des clowns, offrant à STITCHES son enterrement, tout comme sa possibilité de revenir d'entre les morts.

STITCHES est élaboré sur mesure pour des festivals de films d'horreur. Nul doute qu'il saura se retrouver dans la dizaine qui fleuriront à travers le monde ces prochains mois, car il plaira au public de fans qui s'y déplacent. Les dernières 45 minutes sont clairement dirigées vers la horde de Bisseux qui sauront apprécier les débordements sanguinolents en tous genres, avec louchées de clins d'œil. Il faut garder cependant à l'esprit que le film reste éminemment moyen dans son emballage. Il fait preuve de très peu de créativité dans son approche du genre et son sujet. Malgré un aspect technique à peine adéquat et un scénario en-dessous de la moyenne, STITCHES s'en sort via Ross Noble qui explose de bonheur dans le rôle titre. Et il se dégage une telle bonne humeur extrême dans l'étripage général qu'on lui pardonnera (presque) sa médiocrité. STITCHES n'est pas spécialement bon, mais fun à voir et jamais dupe de ses origines.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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