Header Critique : PRESAGI (VISIONS OF MURDER)

Critique du film
PRESAGI 2012

VISIONS OF MURDER 

Depuis l'avènement de la télé-poubelle en Italie dans les années 80, le cinéma de genre local est devenu moribond, voire quasi-inexistant. Il existe bien quelques exceptions qui confirment la règle comme Dario Argento qui, bon an mal, réussit à monter encore ses projets. Les autres cinéastes, les Sergio Martino et même les plus jeunes, ne trouvent majoritairement que des projets télévisuels. Ainsi, hormis quelques projets indépendants comme SHADOW, l'épouvantable LONTANO DALLA LUCE ou de rares produits à destination du marché de la vidéo, la télévision demeure le vecteur principal de films à vocation fantastique ou assimilés du côté de l'Italie.

C'est donc aussi le cas de Lamberto Bava... Après les sorties cinéma de DELIRIUM et de BODY PUZZLE, il se tourne quasi exclusivement vers la télévision. Avec d'ailleurs d'énormes succès mondiaux comme la série de LA CAVERNE DE LA ROSE D'OR. On lui doit aussi des longs métrages, pour la série BRIVIDO GIALLO, comme L'ANTICHAMBRE DE L'ENFER, DEUX AMANTS DIABOLIQUES ou encore plus tard LE PRINCE DE LA TERREUR.

Ainsi, Canale 5 (la «5» italienne), appartenant au groupe Mediaset dont Silvio Berlusconi est le PDG, propose en 2012 une nouvelle série de films à suspense côtoyant le fantastique, nommée 6 PASSI NEL GIALLO. Le premier volet à avoir été diffusé est PRESAGI (ou VISIONS OF MURDER pour son titre d'exportation). Tourné en langue anglaise sur l'Ile de Malte, il ouvre donc la voie et s'est taillé un joli succès d'audience lors de sa première diffusion le 22 février 2012 en Italie.

Annalisa (Andrea Osvàrt) est une jeune femme possédant un don de prescience. Elle fait le rêve d'une jeune fille blonde poursuivie et tuée par une mystérieuse ombre noire. Faisant part de ses craintes à la police locale, elle rencontre un ancien agent du FBI (Craig Bierko). Il croit d'autant plus Annalisa qu'une petite fille vient de se faire enlever au même moment. Les rêves se font plus pressants et il semble toutefois qu'ils soient liés à une affaire de meurtre d'enfant inexpliqué ayant eu lieu deux ans auparavant.

Téléfilm oblige, la violence du propos reste fortement adoucie. Les amateurs de débordements sanglants et d'attaques sauvages devront ronger leur frein. Exit les extravagances du CHATEAU DE YUREK et autres maquillages délirants de L'ANTICHAMBRE DE L'ENFER. Le but est différent, à savoir plus une mécanique de suspense. Une narration qui axe son articulation sur le mystère généré et la construction d'une atmosphère fantastico-bizarre des visions d'Annalisa. La structure se rapproche plus d'un thriller parapsychologique que d'un véritable Giallo. Et ce même si le tueur revêt les oripeaux du genre : silhouette prédatrice toute de noir vêtue de la tête au pied, ce qui rappelle les heures fastes du genre. Mais point d'arme blanche à l'horizon.

Il s'agit d'ailleurs des meilleurs moments de PRESAGI. La scène d'ouverture est en un sens plutôt emblématique. Une jeune enfant vêtue d'imperméables et bottes rouges, un renvoi direct au mythe du Petit Chaperon Rouge, poursuivie par une inquiétante forme humaine ténébreuse, qui se transforme en prédateur félin se jetant sur elle. Un sens de la menace moderne mêlé aux contes enfantins. Une approche, une géographie des lieux et une thématique qui ne sont pas sans rappeler LA MAISON DE L'OGRE ou LE JEU DIABOLIQUE. Lamberto Bava fait une utilisation intelligente des caves et des sous-sols pour la mise en scène des rêves. Ce qui tranche avec les extérieurs ensoleillés et très vacanciers de Malte. A noter que la plupart des téléfilms de la série ont été tournés sur cette même ile dont SOTTO PROTEZIONE, GEMELLE, OMICIDIO SUR MISURA... ou comme encore LA MORT AU LARGE. Mais on s'éloigne du sujet.

Malheureusement, il n'y a pas de volonté de faire oublier l'origine télévisuelle du métrage. Rien ne l'y oblige non plus. On sent malgré tout un budget quelque peu supérieur à la moyenne. Ce qui apporte une diversité dans les lieux de tournages, aussi bien en intérieurs qu'en extérieurs. Une post-production qui permet d'apporter une patine quelque peu «haut de gamme». Quant aux plans des présages, ce sont des effets spéciaux numériques discrets mais réussis comme, par l'exemple, l'ombre bondissante du fauve.

Le thème du tueur d'enfants risquait un braquage certain du public TV visé. De ce fait, la représentation des attaques et de la découverte des corps est là aussi temporisée pour l'occasion. Tout comme les élans pédophiles du tueur que la caméra laisse deviner de manière pudique. Dans ces différents registres, Bava sait manier le regard télévisuel à adopter pour l'histoire. Un juste équilibre entre une thématique dramatique au sujet délicat et un traitement approprié à l'audience attendue. Maintenant, il reste que ceci pourra décevoir les amateurs que nous sommes, plus habitués à des oeuvres produites pour le cinéma et donc moins polissées. Il faut juste bien comprendre à quel produit on a à faire avant toute chose.

Ce sont là les qualités et les limites de PRESAGI. L'audace du sujet pour une telle heure d'écoute en Italie est cadrée par le côté timoré de la caméra. Le téléfilm reste lisse, se permettant un ou deux sursauts pour peu qu'on se laisse prendre au jeu. Avec, par exemple, une scène de poursuite d'une enfant dans le dernier quart du métrage plutôt bien orchestrée. Le travail opéré sur la lumière et la photographie par Giovanni Canevari, déjà à l'oeuvre sur GHOST SON, est là aussi d'une solide niveau. D'un autre côté, le scénario écrit par Stefano Piani (auteur de cinq épisodes de la série 6 PASSI NEL GIALLO et du DRACULA 3D d'Argento) et Fabrizio Lucherini brasse des thématiques en rapport avec le sujet : la perte de repères, l'absence du père, les victimes enfantines dans le passé des protagonistes. Il fait cependant craindre de sauter à pieds joints dans des évidences. A savoir que l'héroïne a une fille du même age que celles qui ont été enlevées et tuées. Forcément, lorsqu'elle échappe à la surveillance de sa mère, on penche pour l'enlèvement... En fait, non. Le scénario pointe quelques pistes en ce sens mais prend une autre direction. La vision d'Annalisa indique un cas contemporain mais c'est une ancienne affaire qui ressurgit. Ainsi, en plein milieu du film, un corps est retrouvé. Les pistes quant au tueur éventuel abondent comme attendu mais si on laissait penser au spectateur que le récit s'articulerait autour de la recherche du corps, il en sera bien autrement.

Maintenant, au regard du produit, il s'agit d'avantages bien mineurs. Si le métrage s'avère techniquement compétent, que les acteurs principaux s'acquittent honorablement de leur tâche, on reste face à un produit avare en frissons et finalement très convenu. De ce fait, le métrage est d'un intérêt plus que limité. C'est peut-être ce que le cahier des charges de la chaîne a requis mais on attendait quand même quelque chose de plus ambitieux.

Pour terminer, il est surprenant de retrouver Craig Bierko au générique de ce film. Après des films comme PASSE VIRTUEL, SCARY MOVIE 4, CINDERELLA MAN ou SUPERHERO MOVIE, sa carrière semblait prendre une autre direction. Car généralement depuis les années 60, l'Italie a toujours représenté un point de chute idéal pour les acteurs et actrices sur le déclin mais ayant toujours un nom reconnaissable. De le voir un ici fait questionner sur une carrière en éventuelle voie de garage. Il faut lui reconnaître une certaine présence qui le place au-dessus des autres interprètes, même dans une hypothétique et curieuse scène de lit avec Andrea Osvàrt. Pour le reste, les amateurs des années 80 auront surtout reconnu Eliana Miglio, connue il y a 25 ans sous le nom d'Eliana Hoppe. Et ayant déjà tourné avec Lamberto Bava dans DEMONS, DEMONS 2 et MIDNIGHT HORROR.

Enfin, pour les plus perspicaces, la première séquence donne l'indice qui permet de connaître l'identité du tueur. Il faudra donc s'emparer de son petit manuel du parfait détective avant la vision de ce PRESAGI !

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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