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Critique du film
MIRAGES 2010

 

Courageux exercice de création cinématographique, MIRAGES est le premier long-métrage de genre d'origine marocaine. Et à fortiori en compétition lors du Festival du Film fantastique de Gérardmer en 2011.

Cinq personnes se présentent à un hypothétique travail offert par une multinationale venue s'implanter au Maroc. Un hic : il faudra passer la barrière d'une épreuve visant à les départager pour offrir le job au meilleur(e) d'entre eux. Après un accident, ils se retrouvent perdus dans le désert et commencent à se monter les uns contre les autres, face à leurs propres peurs.

Fantastique social ? Inspiration d'ordre télévisuel d'un énième reality show ? Fable économico-politique ? Hallucination collective ? Probablement un peu tout cela à la fois. MIRAGES fait office de conpendium de la plupart des thématiques qui ornent le panorama de film de genre de ces dernières années. Il s'agit de son originalité mais aussi, pour son propre malheur, de son échec. Et qui pointe droit vers la règle immuable que les meilleures intentions ne font que rarement les meilleurs films.

Pourtant, le propos aborde avec intelligence un sujet bien actuel. Dans un Maroc ouvert aux dernières évolutions technologiques et aux implantations de sociétés étrangères à la recherche de main d'œuvre qualifiée (mais moins chère), la course au job est ouverte. Une meilleure vie, une rédemption via le travail, un accomplissement... la poursuite d'un mirage économique. L'itinérance du hasard comme progression dramatique, mais qui souffre de son approche itérative des rebondissements.

Le choix d'un format Scope va dans le sens de la mise en avant d'un spectacle de désolation. Le désert comme impossible échappatoire et celle, plus insidieuse, de la désolation personnelle propre à chaque intervenant. Une lumière écrasante, le vide à perte de vue et le regard perdu des cinq pantins désarticulés au fur et à mesure de l'avancée du film.

Si le look du film est indéniablement soigné, il confère à quelque chose de plus amateur en terme de rendu final. Défauts propres à un premier film, sans aucun doute. Tournage à l'arraché, budget resserré : une évidence. La sincérité du propos et l'implication des acteurs, actrices, techniciens : clair. Maintenant, le film fonce droit dans le mur de ses idées. Et ce ne sont pas les quelques débordements sanglants, dont une superbe scène de tête défoncée au marteau, qui viendront bousculer l'interminable train train qui parsème le film. Ils arrivent à point nommé, mais menés de manière brutale et presque gratuite.

En fait, le problème vient que le McGuffin du film (la candidature au job) s'évente assez rapidement, si bien que le parcours initiatique de chacun(e) part un petit peu dans tous les sens. L'argument fantastique, qu'il s'agisse des visions horrifiques ou des délires péri-médicamenteux qui finissent en folie meurtrière, s'évapore lui aussi. Et la durée du film semble alors excessive quant à la finalité du projet. On assiste quelque part à un Koh Lanta de l'emploi, où le Scope se serait substitué à une quelconque caméra TV. On se surprend d'ailleurs à suspecter que l'ensemble des acteurs est surveillé et que le spectateur devient complice du spectacle. Pas du tout - quoique la mise en abîme aurait été logique sur la réflexion d'une certaine société-spectacle.

Si le choix de la narration vise l'allégorie, le résultat reste assez indigeste. La mise en scène appuie trop lourdement à coups d'effets de caméra gratuits. Certains plans s'avèrent inutiles : entre autres, l'effet spécial raté du scorpion. Pourquoi est-il là ? Parce que. D'autre part, il existe un vague suspens quant aux peurs de chacun et le double jeu mené par l'un d'entre eux, mais le tout demeure artificiel et surtout, superficiel. On saisit bien les luttes d'influence. Qu'on fasse comprendre à coup de massue qu'il faille être collectif plus qu'autre chose, mais tout est basé sur des thèmes assénés de manière trop démonstrative. Et là, c'est le fourre-tout : place de la femme, religion, crise, logement, place dans la société, compétition, lien filial, tradition, chômage, collectivisme, libéralisme... des thèmes présents mais très mal exploités à la vue du résultat final. Ce n'est pas une fin ambiguë qui rattrapera le propos.

Le film est également plombé par un grave manque de rythme. Une interprétation pourtant solide, avec en tête un impressionnant Karim Saïdi et un jeu tout en finesse par Aïssam Bouali dans le rôle de Saïd, contrebalance des péripéties pas très passionnantes. Heureusement que les performances d'acteurs parsèment les 105 minutes. Ce sont eux qui donnent le meilleur du film, car leurs déambulations ne se révèlent hélas guère passionnantes pour le spectateur, empêtrées dans les longueurs incertaines.

On voit mal comment MIRAGES pourrait trouver un débouché sur le marché Français. A la base, il possède les mêmes qualités/mêmes défauts que NE NOUS JUGEZ PAS. Une sorte d'indécision entre film de genre et film à prétention sociologique plus «arty». Mais pas assez fantastique pour plaire aux aficionados. Une volonté d'ambition du sujet mais une prétention pas à la hauteur des résultats. Une sortie cinéma s'avère inenvisageable à la vue du produit. Même une sortie vidéo semble risquée, quoiqu'il s'agisse de l'ultime recours du film pour être vu en France. Il correspond à une niche trop étroite pour la prétendre à une visibilité nécessaire. Mais on attend avec impatience la nouvelle incursion de Talal Selhami dans le fantastique !

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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