Header Critique : THIRST : CECI EST MON SANG (BAKJWI)

Critique du film
THIRST : CECI EST MON SANG 2009

BAKJWI 

Par esprit de sacrifice, Sang-hyun, un prêtre coréen, se rend en Afrique pour servir de cobaye lors d'expériences médicales visant à expérimenter le vaccin d'un terrible virus. Contaminé, à l'article de la mort, il sera sauvé grâce à une étrange transfusion sanguine qui aura le don de régénérer son organisme. Acclamé en Corée comme un miraculé de Dieu, Sang-hyun se découvre peu à peu des pulsions sanguinaires. La transfusion l'a transformé en vampire.

Le célèbre réalisateur coréen Park Chan-wook nous revient de manière très attendue avec ce nouveau film, coproduit par les Américains, et auréolé d'un (discutable) Prix du Jury à Cannes. L'attente est importante d'une part parce que son dernier essai, JE SUIS UN CYBORG, n'avait pas convaincu les cinéphiles encore sous le choc de sa monumentale trilogie sur la vengeance (comprenant SYMPATHY FOR MISTER VENGEANCE, OLD BOY et LADY VENGEANCE). D'autre part parce que THIRST cristallise enfin une vieille promesse du cinéaste : réaliser un film de vampire. Cette envie, le metteur en scène la démontrait déjà en 2004 lors de l'ouverture de son segment CUT tiré de l'anthologie asiatique THREE EXTREME co-réalisée avec le Chinois Fruit Chan et le Japonais Takashi Miike. Park Chan-wook s'était amusé à concevoir un film dans le film avec des suceurs de sang vomissant des bolées d'hémoglobine. Un préambule amusant qui ne donnait cependant pas d'indice sur le traitement réellement sombre, cru et déprimant que le cinéaste réserverait à cette célèbre figure du Fantastique aujourd'hui.

Le point de départ de THIRST est incroyablement fort. Un vampire, certes, mais plus exactement un prêtre vampire. Non seulement le personnage de Sang-hyun va devoir gérer sa transformation «biologique», mais il va devoir aussi violer sa propre foi. En étant acculé à survivre en se nourrissant des autres, le prêtre est obligé de se contredire totalement, lui qui avait confié sa vie à l'accompagnement des êtres en fin de vie. Comme souvent chez Park Chan-wook, ce nouveau héros est une figure extrêmement tragique, projeté contre son gré dans une spirale de violence malsaine alors que ses intentions premières ont toujours été nobles. Bien entendu, Song Kang-ho, le complice de (presque) toujours prête ses extraordinaires talents de comédiens à ce personnage riche et tout en contradiction.

L'aspect religieux de THIRST n'est pour autant qu'un petit fragment de la narration foisonnante du film. Très vite, le métabolisme du vampire va faire naître chez Sang-hyun des désirs de sang mais surtout des désirs de «chair». En rendant visite à un ancien ami gravement malade, le prêtre va éprouver une attirance incontrôlable envers l'épouse de ce dernier, une femme enfant frustrée, muselée par sa belle-mère, et défoulant ses pulsions de liberté la nuit tombée en courant pieds nus sur le bitume des rues désertes. Dès lors, THIRST se met sur les rails d'un tout autre film. Une histoire de triangle amoureux (très) librement inspiré de Thérèse Raquin d'Emile Zola où Park Chan-wook se serait mis en tête de repousser les limites de l'érotisme du cinéma coréen. Les scènes de sexe sont effectivement plutôt osées, la jeune comédienne Kim Ok-vin n'hésitant pas à dénuder un corps que le cinéma local à tendance à protéger.

Malheureusement, Park Chan-wook ne parvient pas à se satisfaire non plus de la tournure érotique de son film. Il cherche à intégrer également son sens de l'humour absurde. Il veut aussi se mettre à la hauteur de ses réalisateurs de chevet, Polanski en tête, en multipliant les références et les effets de style (parfois époustouflants) auxquels il nous avait déjà habitué. Il veut poursuivre son travail de peinture de la femme «dominante» dans la continuité de ses précédents travaux comme LADY VENGEANCE. Il veut se frotter aux effets spéciaux à grand spectacle (le vampire bondissant d'immeuble en immeuble). Il veut s'imposer en tant que visionnaire dans le cinéma de genre (ici Fantastique) tout en s'assurant d'être parfaitement assis en tant qu'auteur (voir la séquence finale réinventant de manière très personnelle un classique du genre). Tant et tant de mouvements, d'influences, de remous qui tendent à relancer le film en permanence. Il y a sans aucun doute de la générosité derrière ce fantasme de film somme. Mais Park Chan-wook n'est pas encore un maître et THIRST fini par souffrir franchement de cette succession de films dans le film, chacun n'allant pas nécessairement dans le même sens. Quant aux nombreuses pistes narratives laissées régulièrement à l'abandon, elles sont au prix d'une certaine frustration chez le spectateur.

Ce n'est donc pas avec THIRST que Park Chan-wook parviendra à se désolidariser de son épatante mais encombrante trilogie en nous proposant un réel nouveau souffle. Mais derrière la déception, il y a malgré tout le plaisir de retrouver un cinéma de très haut niveau où l'excellence est visée à tous les postes, de l'interprétation à la photographie en passant par la bande sonore. Le générique passé, on préfèrera oublier les nombreuses tergiversations du métrage pour ne garder en mémoire que les quelques formidables moments de cinéma proposés ici. Des moments qui rassurent quant à l'existence contemporaine d'un cinéma métissé entre «Genre» et «Auteur», entre modernité et classicisme. C'est déjà beaucoup.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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