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Critique du film
HISTERIA 2008

 

Murni (Liyana Jasmay) est la seule survivante d'un groupe de jeunes filles qui se nomme les «Pink Ladies». Elles ont été brutalement assassinées dans leur lycée privé et la police croit que Murni est responsable du crime via une crise d'hystérie. Interrogée par son médecin et un policier, elle raconte comment deux jours auparavant, à la suite de ce qu'elles croyaient être un simple jeu, elles ont fait appel à un démon qui les a massacré.

On ne peut pas dire que la production cinématographique nationale de la Malaysie soit connue, à fortiori dans les films de genre. Au mieux, le public aguerri connaît le super héros local CICAKMAN qui parodie plus ou moins SPIDER-MAN. HISTERIA a même rencontré fin 2008 un succès dépassant les résultats de CICAKMAN 2 : PLANET HITAM. Dès lors, la possibilité de voir un film d'horreur comme HISTERIA, au Marché du Film, a donc attisé notre curiosité. Mais avec un pitch de départ aussi classique, HISTERIA ne fait rien de mieux que recycler les thèmes éculés du genre fantastique/horreur pour l'adapter au contexte malais, avec une toute petite pincée de croyance locale et une grosse louche de moralisme ambiant.

Cette petite pincée exotique vient de la créature «Hantu Raya» (que l'on pourra traduire par «maitre des fantômes»), un esprit malveillant du folklore local qui agit comme le double maléfique de celui ou celle qui l'a appelé. De nos jours, dans la société musulmane malaise, cette croyance ne semble plus avoir d'emprise et se substitue avec la personnification d'un démon ou Djinn (comme il est fait référence dans la séquence pré-générique via la citation d'une sourate). Ceci dit, le cinéma malais s'est déjà intéressé à cette légende à plusieurs reprises, par exemple dans JANGAN PANDANG BELAKANG, qui est devenu en 2007 le film malais ayant fait le plus d'entrées à ce jour.

HISTERIA ne se distingue pas vraiment du lot habituel de films d'horreurs asiatiques dans la construction de son récit ou le suivi de codification qui régit le genre. Personnage qui ne respecte pas une règle = mort subite (et sans mise en bière). De ce fait, les meurtres sont motivés par : on ne plaisante pas avec les esprits, internet c'est mal et avoir une vie délurée, c'est mauvais pour la santé. Explications.

Multiples erreurs des «Pink Ladies» : appeler Hantu Raya via un mantra trouvé sur internet et simuler une possession puis se moquer du guérisseur appelé pour la circonstance. Deux de leurs professeurs souhaitent leur infliger une punition qui est de nettoyer l'ancienne partie commune du lycée où elles étudient. Seul Hamli (Adi Putra), un autre professeur, tente de défendre leur condition sociale : délaissées par leurs parents, incomprises, elle se réfugient dans des blagues qui ne portent pas à conséquence. Dis comme ça, on pourrait presque le croire. Mais comme il a derrière la tête de se taper une écolière, sa parole ne vaut plus rien du tout ! Si on se résume : transgression des règles = mal. Punition = bien.

Ensuite, ces jeunes filles sont de petites gourgandines qui sentent l'appétit sexuel naissant. Aïe. Entre avoir des petits copains, passer son temps avec son téléphone portable, faire des blagues à terroriser leurs congénères, ignorer les règles de bienséance et, comble de l'horreur, se déclarer leur flamme entre elles… n'en jetez plus, le hijab est plein. Comme dans un slasher américain basique où l'on attend que le fumeur de joint ou la blonde aux gros seins se fasse taillader en quatre, on s'attend donc à ce qu'elles crèvent toutes. Toutes ? Non ! Seule une petite adolescente résiste à l'envahisseur en la personne de Murni, brimée par ses collègues, qui a en fait lu le mantra. Hantu Raya agit ainsi en son nom en la protégeant et donc en éliminant tout sur son passage. Mais Murni demeurant la seule à ne pas avoir ni de petit copain, ni de téléphone portable, ni de vie dissolue (avec ou sans Gérard Floque), le spectateur est assuré de sa survie.

A y regarder de plus près, on peut difficilement en vouloir à James Lee, la censure malaise devant veiller strictement à la bonne tenue des métrages. Mais il demeure intéressant de citer à travers un film d'horreur quelques notions sociétales qui donnent une certaine épaisseur au métrage. Les discussions sur les petits copains ou le (presque) baiser lesbien, malgré sa sévère punition par la mort, indique bien que la Malaysie ne peut ignorer certaines évolutions. Tout comme la punition s'avère moins sévère du fait que les parents des demoiselles sont plus qu'influents. Ou que le père d'Alissa (Sharifah Nor Azeran) vient d'épouser en secondes noces une jeune fille à peine plus âgée qu'elle. Ou encore que des professeurs couchent avec leurs élèves. Ces allusions ne sont pas très subtiles, mais le film prend au moins le soin de bien placer ces points de détails.

D'un point de vue technique, le film offre un cadre peu original mais tout à fait regardable. Quelques effets de frousse classiques mais correctement amenés sont couplés à des maquillage gore dont certains font mouche. La mise en scène ne renouvelle absolument pas le genre et se contente de l'illustrer, quelque fois de manière trop démonstrative, le recours intempestif aux flash-back étant plus qu'inutiles. Son plus grand défaut est d'attendre la 42ème minute avant de balancer sur l'écran le premier meurtre. Il aura fallu assister à pas mal de palabres champ/contre-champ et autres vannes entre les filles pendant ce temps-là. Mais malgré son lot de meurtres et d'action, le dernier quart du film n'évite pas la répétition et manque cruellement de suspense.

Le canevas ne se démarquant pas du reste des films actuels, la conclusion est pliée d'avance. Les meurtres se situent presque tous hors-champ, la caméra ne montrant qu'après coup le résultat des coups de dents et de griffes d'Hantu Raya. Ainsi l'agression sauvage de Marina (Ainul Aishah) dans les douches se concrétise par des geysers d'hémoglobine qui proviennent d'on ne sait où ... Seuls son corps déchiré et son visage défiguré seront révélés à l'image. Il en va de même avec un scénario adoptant la quasi même démarche que ses confrères occidentaux. Le récit a donc besoin d'éléments extérieurs au huis clos afin d'ajouter un peu de chair autour de l'os et d'arriver à l'heure et demie règlementaire. Ce sera dans les personnages des petits copains, Riz (Reefa) et Taloq (Matin Fayz), qui, entre deux lignes de dialogue d'une naïveté confondante, finiront en charpie.

Rien de bien neuf sous le soleil malais, en fin de compte. HISTERIA offre malgré tout quelques effets spéciaux sanglants de bonne facture et une créature au look improbable mais bien dentue. Il ne faut pas chercher ici la perle rare : juste un produit standard, calibré pour un public adolescent et à la direction d'acteurs médiocre mais, toutefois, avec juste ce qu'il faut de personnalité pour maintenir l'intérêt.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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