A l'occasion de la promotion de EVIL DEAD, Fede
Alvarez est venu à Paris de manière à présenter
son film lors d'une avant-première publique au Grand Rex. Le mythique
cinéma avait en son temps accueilli sur la même scène Sam
Raimi pour la présentation des premiers opus de la série de films
cultes dans le cadre du Festival du Film Fantastique de Paris ! Logique
! Coïncidence, nous avons pu rencontrer le réalisateur la veille
de cette projection. C'est à dire le 18 avril 2013, date du treizième
anniversaire de DeVilDead. Logique, une fois de plus !
DeVilDead : Commençons par parler un
peu de vos origines. Vous venez d'Uruguay ?
Fede Alvarez : Alors en fait, c'est étrange
mais j'ai grandi en Belgiqueâ¦
Ce qui explique que vous parliez un tout petit peu françaisâ¦
Oui, en effet, mais je ne le pratique pas assez. Je n'ai
pas du parler français depuis une bonne vingtaine d'années.
Jâai vécu là bas jusqu'à l'âge de sept ou huit
ans. Lorsque j'étais enfant, je parlais français avec mes frères
et pratiquement tout le monde à l'exception de mes parents. Je suis
d'ailleurs un peu frustré car j'ai cette projection demain et j'aurais
bien voulu faire la présentation du film ainsi que les échanges
de questions avec le public en français. A présent, lorsque
je parle en français, ça donne un peu l'impression que je suis
un attardé ! (Rires)
Vous êtes donc retourné en Uruguay par la suiteâ¦
Ces derniers mois, j'ai passé beaucoup de temps à
Los Angeles mais oui, je vis toujours en Uruguay. Je n'ai jamais cherché
à partir en réalité. J'aime mon pays, j'y vis toujours
et puis Los Angeles est trop étrange ! (Rires)
Dernièrement, nous avons pu voir LA
CASA MUDA qui a été distribué un peu partout dans
le monde. Du coup, on peut se demander pourquoi vous n'avez pas tenté
de faire un premier long métrage dans votre pays ?
A vrai dire, je ne sais pas. Faire des films est assez difficile
en Uruguay. Il doit y avoir deux ou trois films par an, au grand maximum.
La plupart des films sont financés par le gouvernement. Du coup, ils
veulent surtout que les films parlent de notre pays et de sa culture. Je ne
suis pas vraiment intéressé par ce genre de sujet, je préfère
plutôt la science-fiction, l'horreur, le cinéma de genre et ce
genre chosesâ¦
Mais on peut intégrer sa culture à de la science-fictionâ¦
Oui, bien sûr et je l'ai fait dans les courts-métrages
que j'ai tourné par le passé. Comme dans ATAQUE
DE PANICO! où Montevideo est attaqué par des robots géants.
J'ai fait un autre court auparavant intitulé EL COJONUDO.
Le film est très uruguayen mais dès qu'il s'agit d'horreur,
de science-fiction ou d'action, cela n'a pas le côté respectable nécessaire
aux institutions. Donc, il y a effectivement LA CASA MUDA,
un des rares exemples de film de genre produit en Uruguay. C'est assez marginalâ¦
Il y a aussi Ricardo
Islasâ¦
Oui, Ricardo
Islas... Ouah, vous connaissez votre sujet ! ! ! C'est
un réalisateur culte en Uruguay mais il n'y a pas grand monde qui le
connaisse.
Depuis quelques années, il fait des films aux Etats-Unis.
Cela voudrait donc dire que, effectivement, il faut quitter l'Uruguay pour faire
le cinéma que l'on veutâ¦
C'est assez dur. Maintenant que j'ai fait un film à
Hollywood, peut être que quelqu'un me proposerait de faire un film là-bas.
Mais j'ai regardé la presse du moment puisque EVIL DEAD
va y être distribué. Et dans les journaux uruguayens, j'ai pu
lire qu'ils avaient changé mon nom, et que je m'appelle à présent
Francisco Alvarez. (Rires) Ils font comme s'ils ne savaient pas, c'est un
peu triste quelque part. Reste que c'est un tout petit pays et que c'est un
peu comme ça que cela fonctionne là bas. Mais c'est vrai que
maintenant que j'ai fait un film, j'aimerais bien y tourner un long métrage.
Pourquoi pas un film hollywoodien mais tourné en Uruguay. Il faudrait
un vrai budget et ce serait vraiment génial de travailler avec mon
équipe sur place...
Ce n'est pourtant pas plus facile de travailler à Hollywood, vous avez
eu beaucoup de chanceâ¦
C'est vrai, c'est assez étrange mais c'est arrivéâ¦
D'ailleurs, vous le savez déjà puisque vous connaissez Islas
et que vous avez donc fait votre travail de recherche (Rires). J'ai fait ATAQUE
DE PANICO!. Ca n'a pas coûté cher, environ 300 dollars,
car j'ai tout fait tout seul ou presque. En fait, on a surtout payé
les extras, qui apparaissent à l'écran pour la seule journée
de tournage, de manière à les nourrir le midi. La majeure partie
de l'argent est donc passé dans de la nourriture. J'ai fait la post-production
et le gros des effets spéciaux numériques avec un ami. Il ne
pensait pas qu'on réussirait à aller jusqu'au bout. Ce fut donc
moi, durant une année, qui ai bossé sur chaque plan du film,
les uns après les autres, de manière à ne pas dépenser
plus d'argent. J'ai fini par l'uploader sur YouTube un jour et le lendemain
matin j'avais reçu 50 e-mails d'Hollywood. Je ne savais pas que cela
pouvait se propager aussi vite, il n'a fallu qu'une soirée. La semaine
suivante, j'étais déjà à Los Angeles.
Il y a donc eu d'autres personnes que Sam
Raimi qui vous ont contacté mais pourquoi l'avoir choisi lui plutôt
que d'autres ?
Il y en a eu d'autres mais j'étais un vrai fan de
Sam Raimi depuis
très longtemps. Probablement depuis la sortie de DARKMAN, pour les
personnes de ma génération. Mais j'aimais beaucoup les EVIL
DEAD et l'univers de Sam
Raimi. J'ai bien rencontré Dreamworks où l'on m'a
dit que Steven Spielberg
aimait mon court-métrage. J'aime le travail de Spielberg
mais j'avais plus d'affinités avec les films de Raimi.
De plus, je pense que c'est le seul qui aurait pu me donner la liberté
dont j'avais besoin car il s'agit plus d'un réalisateur que d'un producteur,
en tout cas c'est mon impression. Par ailleurs, il était question de
développer un long métrage à partir d'ATAQUE
DE PANICO!. Et dans le même temps, il a fini par me proposer de
faire EVIL DEAD, un projet qui traînait et pour
lequel il cherchait un réalisateur depuis longtempsâ¦
Le film basé sur ATAQUE DE PANICO!
va se faire ?
C'est en cours en ce moment. C'est un projet qui me tient
à cÅur. Cela a commencé il y a trois ans. Ils savaient que je
pouvais réaliser un film mais ils n'étaient pas certains que
j'étais à même d'écrire un long métrage.
Particulièrement un film à propos d'une invasion extraterrestre.
Ils ont donc préféré engager un scénariste américain.
C'est à ce moment là que Sam
Raimi m'a proposé de faire EVIL DEAD. J'ai
pensé que je devais l'écrire. Le deal était que je devais
écrire un premier jet, le soumettre pour qu'on me donne un avis. Ecrire
une seconde version et ainsi de suite jusqu'au film qui a été
tourné. A un moment, Diablo
Cody est intervenue sur les dialogues car ils voulaient une sensibilité
américaine. Mais, finalement, il n'y a pas grand chose qui a été
retenu et nous sommes revenus à ma version. Donc, en ce qui concerne
le film d'invasion extraterrestre, un scénariste américain nous
a livré un scénario mais nous ne l'avons pas apprécié
car ce n'était pas vraiment le film que je voulais faire. Ce n'était
pas non plus ce que le studio voulait faire. Maintenant qu'EVIL
DEAD est terminé, je vais donc pouvoir m'atteler à l'écriture
de mon propre film de science-fiction.
C'est un peu dommage dans le sens où PACIFIC RIM,
un métrage avec des robots géants, sera passé avant vousâ¦
Oui, je sais ! On m'a déjà dit "J'ai
vu la bande annonce de PACIFIC RIM et on dirait ton court-métrage".
Mais ce n'est pas vraiment à propos de robots géants. C'est
plus orienté vers les mangas et une influence japonaise. Je suis un
fan de EVANGELION. C'est quelque chose dans ce genre que
j'aimerais bien faire mais cela s'avère difficile à concrétiser
si on n'a pas un contrôle total. Ce que j'aimerais faire, c'est de la
science-fiction assez violente. Un peu dans la veine des films de Paul
Verhoeven, ROBOCOP et TOTAL RECALL.