5. Du 70mm ! Du Faux !

Du faux… Oui et non. Le choix du double-programme Michael Douglas du lundi matin laisse perplexe. Qu'est-ce qui a bien pu pousser à choisir des films comme LA NUIT DES JUGES et BLACK RAIN, tous deux gonflés en 70mm et dotés de 6 canaux audio ? Après avoir vu LA FILLE DE RYAN ou encore LA CONQUETE DE L'OUEST, on se pose encore la question. Car hormis offrir de la diversité de programmation, on ne comprend guère l'intérêt.

Pour LA NUIT DES JUGES, on pourra comprendre le choix visuel dû aux multiples talents de son réalisateur et scénariste Peter Hyams. Pour une fois, il laisse sa casquette de Directeur Photo à John Hannah. Mais aux vues du résultat, on peut se dire qu'il a du surveiller de très près le travail. On a droit à un vrai film fait pour le cinéma, qui se déroule principalement dans des tons sombres, entre l'ombre et la lumière. Hyams inventa pour l'occasion une lumière spécifique pour les plans de jour, par ailleurs. Et les plans clairs-obscurs rappellent immanquablement son travail sur RELIC, OUTLAND et LE SEUL TEMOIN, dans une moindre mesure. Le film est clairement tourné pour être vu au cinéma, immergé dans une salle au noir complet, dont seul l'écran de cinéma permet de discerner les détails révélés par les faibles sources de lumière. Le principal atout du gonflage d'un film tourné en 35mm vers du 70mm est d'abord une image mieux définie (si le tirage est effectif) mais surtout de bénéficier de 6 pistes magnétiques stéréophoniques. Et ici, la partition composée par Michael Small prend une dimension inédite. Rappelant ses compositions pour A CAUSE D'UN ASSASSINAT et quelques échos de MARATHON MAN, il donne un thème insidieux qui prend une importance graduelle, au diapason de ce thriller paranoïaque sur un cas de conscience qui file vers une critique du système législatif américain à presque y voir une remise en cause de la peine de mort, à bien y regarder. Peu de scènes d'action, là n'est pas le but, mais la poursuite de Michael Douglas dans l'entrepôt abandonné est un modèle du genre. Tension, suspense, violence, photographie privilégiant les ombres plutôt que de définir clairement le corps dans l'espace visuel. Idem pour la poursuite en voiture : elle se déroule elle aussi dans un endroit clos, renforçant la mise en scène de l'enfermement du héros dans ses contradictions et ses certitudes. Pas forcément un grand film sur le système, mais une mise en scène brillante, dotée d'un vrai point de vue.

Par contre, la vision du BLACK RAIN de Ridley Scott s'avère une sacrée déception. Le choix de Douglas dans un rôle de biker-flic avec un impressionnant mullet 90's, ça ne fait pas du tout crédible. Il est affublé le long du film de dialogues spectaculairement cons qui décrédibilisent de suite son statut de rebelle au système. Pire, le scénario est d'une invraisemblance rare. Sans compter l'über-méchant (Yusaku Matsuda, qui mourut peu de temps après le tournage), qui roule des yeux, écarquille ses paupières de manière ridicule. On imagine que cela devait donner cette idée pour Scott sur le papier. Mais à l'image, c'est l'éclat de rire. Hans Zimmer démontre que depuis cette composition, il ne fait que s'autocopier depuis plus de 20 ans – le thème de la scène de la fonderie est une matrice pour le thème principal de BATMAN BEGINS, entre autres. On rajoute le parasite visuel permanent qu'est Kate Capshaw et ses frisottis discostar, jouant comme une cagette et la coupe est pleine. On a surtout l'impression d'assister à une gigantesque pub clinquante et clignotante, tant la photo de Jan de Bont parait superficielle et juste vulgaire. Le dernier quart rattrape ce festival de tics 90's, avec des visuels dont la copie 70mm amplifie le côté spectaculaire (la fonderie et la course finale). A ranger aux côtés de curiosités ratées comme HARLEY DAVIDSON ET MARLBORO MAN pour le côté vestimentaire qui ne va pas à l'acteur et des ridleyscotteries surestimées, incongrues, genre 1492, TRAQUEE ou encore A ARMES EGALES.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier
Remerciements
Bill Lawrence et toute l’équipe du Widescreen Weekend, Jean-Luc Peart, Jan-Hein Bal et Marina Lavroff pour les traductions russes