5. Gonflage 70mm

Une autre partie, comme les années précédentes, reste dévolue aux gonflages de films tournés en 35mm sur du 70mm. Plusieurs raisons : bénéfice d'une meilleure définition dans la majeure partie des cas mais également la possibilité de s'offrir un spectre sonore plus large : à savoir de placer 6 canaux stéréophoniques sur la piste sonore. Et un film rarissime comme DANCE CRAZE y trouve toute sa logique ! DANCE CRAZE… mais d'où sort ce film ? 1980. Joe Dunton n'a pas encore lancé son système anamorphique, le J-D-C-Scope. Pour mémoire, il s'agit d'un système concurrent de Panavision et avec lequel ont été tournés des films comme LA FORTERESSE NOIRE, LIFEFORCE, BLUE VELVET, L'INVASION VIENT DE MARS, LABYRINTH, LE SIXIEME SENS, LEVIATHAN ou plus récemment THE NOTEBOOK … Il vient alors de mettre au point un système révolutionnaire (et beaucoup moins cher) de gonflage en 70mm. Et 1980 est également le moment où explose le phénomène musical ska sur la scène rock anglaise. Avec l'aide de son fils qui le pousse à aller voir ce qui se passe, Joe Dunton saisit sa caméra et avec l'aide du réalisateur Joe Massot (déjà co-réalisateur d'un concert filmé de Led Zeppelin en 1976), il s'attaque au projet. Filmer les groupes-phares de l'époque : Madness, the Beat, the Bodysnatchers, Bad Manners… une caméra mobile, virevoltante à quasi 180° autour et à l'intérieur des performances des groupes sur scène, et uniquement en concert, donnant une sensation d'immersion complète. Un format court, mais pour qui ne connaît et/ou n'apprécie pas le ska, il n'y aura rien d'autre. Aucun plan depuis le public, backstage, ou hors concert. Une vingtaine de chansons mises bout à bout, histoire de partager l'énergie et les différents tempéraments de chaque groupe. Ce qui peut se révéler un exercice fastidieux à la longue. Visuellement, la copie 70mm apportée par Joe Dunton n'a pas subit les affres du temps (format original 1.66:1). Des couleurs quasi-intactes et les 6 pistes stéréophoniques qui pulsent et crachent le son du fracas. Puissantes, distinctes et limpides. Extrême précision de l'image en scènes intérieures, ce qui tranche avec les premières minutes semi-parodiques dans les rues de Londres, très laides, bourrées de grain. On pourra à la rigueur reprocher un manque de contraste si l'œil va au-delà des performances scéniques (on en distingue pas du tout le fond de la scène) car la prépondérance des endroits non éclairés n'aident pas à la profondeur de champ. Mais en tous cas, une curiosité, produite par la maison de disques Chrysalis, exhumée pour la bonne cause.

Les autres gonflages projetés l'ont été pour des raisons assez diverses. Tout d'abord l'hommage à John Barry, le compositeur décédé en 2010 et via LE LION EN HIVER, pour lequel il récolta un oscar en 1968. Cette adaptation historique de la pièce éponyme créa la surprise en remportant nombre d'Oscars. Tout cela autour de la bataille de la succession d'Henry II (Peter O'Toole) par ses enfants Jean sans Terre, richard cœur de Lion (Anthony Hopkins) mais surtout les passes d'armes homériques entre Henry II et sa femme Aliénor d'Aquitaine (Katharine Hepburn). Le film se déroule essentiellement dans le château d'Henry II et on assiste aux joutes verbales, manipulations et duels fratricides, familiaux et d'un couple qui se déteste profondément tout en admettant un amour haineux qui sert de dynamique. Les interprétations fiévreuses de Peter O'Toole et Katharine Hepburn donnent un moteur assez incroyable au récit. Et la caméra très fluide d'Anthony Harvey apporte un recul bienvenu à l'inévitable théâtralité de l'ensemble, du fait du lieu unique où se déroulent cette mise à mort des liens familiaux. Le format original Panavision 2.35:1 a donc été gonflé pour l'occasion en 70mm, ceci allant avec l'expérience 70mm Roadshow : à savoir une séquence musicale d'ouverture, une intermission puis une musique post-générique. Une copie malheureusement ayant viré au rose hélas de plus en plus d'usage avec le temps qui passe. Des conditions de tirage de copie couplées à celles de stockage des copies même font que le "Pink 70mm Vintage" devient une sorte de norme pour visionner ce format. Par contre, il est toujours possible de voir quelques couleurs ici et là (dans la première scène de combat entre Henry II et son fils benjamin), mais surtout de profiter de la superbe qualité de définition de l'image. Et là, le temps ne peut rien faire : on assiste là, malgré un simple gonflage, à une qualité encore à ce jour inégalée. Mieux encore, la magnifique partition de John Barry amplifiée, démultipliée via les 6 pistes stéréo. Qui ajoute à l'aspect fantomatique de l'arrivée en bateau d'Aliénor au château de son mari et au côté crépusculaire du récit, qui réserve des rebondissements inattendus, notamment sur la sexualité de l'un des fils d'Henry II !

OPERATION CROSSBOW demeure une curiosité qui ne brilla pas par son succès. Mais par les conditions réunies pour le tournage. Un producteur (Carlo Ponti), surfant à la fois sur la popularité des films de guerre et ceux d'espionnage. Avec son art habituel de mettre sa femme Sophia Loren en tête d'affiche pour la vente du film, bien qu'ici qu'elle n'ait qu'un tout petit rôle au milieu de ces trois soldats bilingues envoyés derrière les lignes allemandes afin de détruire l'arsenal de Peenemünde ! Le tout dans une histoire de double espionnage au cœur de la machine de guerre allemande. La fabrication de bombes fusées visant à détruire Londres navigue entre le film d'espionnage bon enfant, humour second degré… et les tragique situations. On y compte quelques exécutions et autre morts surprenantes : ce qui créé des ruptures de ton inattendues dans un film vendu comme de l'aventure fun. Un casting hors pair et au taquet : George Peppard, Richard Johnson, Trevor Howard, Tom Courtenay – comme un air de déjà vu dans ce festival entre DOCTEUR JIVAGO et LAWRENCE D'ARABIE !-, Anthony Quayle, John Mills… il y aurait presqu'un avant-goût des DOUZE SALOPARDS. Michael Anderson créé un univers plus sombre qu'il n'y parait et donne tout son sens à des décors démesurés et des scènes d'actions spectaculaires. Sans compter une fin en demie teinte assez curieuse. Quelques effets spéciaux laissent à désirer, mais l'utilisation d'un format large convient à Anderson qui en utilise les recoins à merveille. A l'instar de la copie 70mm d'INDIANA JONES ET LE TEMPLE DE LA MORT présentée à Karlsruhe en 2010, le gonflage en 70mm d'un format 2.35:1 pose quelques problèmes d'images rognées sur les quatre côtés. Le générique apparaît ainsi légèrement tronqué. Mais même si la copie est estampillé Total Pink Vintage, elle tire bien parti de la clarté de l'image, de la précision des détails sur l'écran et d'une tonitruante bande son qui laisse exploser fusées et bombes sur l'ensemble des canaux mis à disposition.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier