3. Part.2 : Réalisateur de Fracture

Eric Dinkian : Bien que tu ne sois pas novice dans le monde du cinéma, FRACTURE est ta première réalisation ?
Nicolas Sarkissian : Je suis monteur à la base et j'ai travaillé sur pas mal de courts-métrages et plusieurs longs-métrages maintenant (ndlr : ILS, EDEN LOG, DJINNS et PROIE). FRACTURE est ma première réalisation, c'est une espèce de phase de transition, qui commence plutôt pas mal parce le film est sélectionné à Cannes cette année, à la semaine de la critique. C'est le premier festival auquel on l'envoie, donc c'est super, moi je suis très content. Je ne m'y attendais pas.
Ca fait longtemps que tu portes ce projet  ?
J'ai mis un an à l'écrire, c'est un peu long pour un court-métrage. Pourquoi ? Justement parce que j'étais monteur. Quand j'étais sur le montage de DJINNS, je n'étais plus en train d'écrire. Donc ça reporte à chaque fois. Un montage, tu peux y passer trois à quatre mois. Et quand arrive le soir, tu as du mal à te mettre à autre chose. Donc, l'écriture de FRACTURE s'est étalée dans le temps tranquillement, en me disant "j'écris le film le mieux possible". Quand je me suis dit que j'avais quelque chose qui me paraissait pas mal à présenter, j'ai envoyé le script par la poste à quatre productions et dans la semaine, j'ai eu des retours. Donc j'étais très content. Il y a trois productions qui étaient intéressées, j'en ai rencontré deux. Une première qui m'a dit "ça nous intéresse de le produire, mais je ne te promets pas qu'on puisse le faire cet été". Comme le film réclame d'être tourné en été, ça m'a un peu refroidi de devoir attendre l'été d'après. Je suis allé voir l'autre production avec laquelle j'avais déjà des affinités en tant que monteur, ça aide aussi à ouvrir des portes, peut-être. On a fait le film, finalement très vite. Je crois que j'ai envoyé le scénario par la poste en février. Fin avril, il y avait déjà tous les financements. Il a été financé par la chaîne 13ème rue, le COSIP et la région Bourgogne. On a tourné le film en août. J'ai eu le temps de bien me préparer et il a été fini fin janvier de cette année. La première projection du film au Gaumont Opéra était le 18 février 2010, quasiment pile un an après avoir trouvé la production. Je m'estime chanceux, parce que ce n'est pas forcément facile de faire des courts-métrages dans des temps réduits. C'est donc un parcours assez droit. Les gens me disaient "tu ne te rends pas compte, c'est génial, ça va à toute vitesse". Et d'un seul coup, boum, deux mois plus tard il est à Cannes. Je trouve ça cool et encore je ne me rends pas trop compte.
Quelles ont été tes inspirations pour écrire le scénario de FRACTURE ? L'histoire a été tout d'abord inspirée par l'univers d'Hubert Selby Jr...
C'est vrai que c'est inspiré de l'esprit de Selby, mais vraiment lointainement. Dans la première version du scénario, il y avait encore des éléments issus de son univers. Mais après, ça s'est encore plus écarté, au fur et à mesure. Il y avait d'autres influences souterraines aussi, toujours littéraires d'ailleurs : Fitzgerald, Bret Easton Ellis.... En fait le film est venu de la conjonction de pas mal de choses. J'ai fait une sorte de melting pot que j'ai injecté dans l'histoire comme le souvenir d'enfance de notre médecin de famille, quand j'étais gamin, qui a fini comme le héros du film. Moi, j'avais 12 ans, j'étais hyper choqué. Et c'est revenu quand je me suis penché sur l'écriture du court. L'écriture, c'est un catalyseur, un révélateur. J'avais envie de raconter le parcours d'un personnage dépressif qui cacherait son jeu et qui serait pris dans une espèce de spirale qui l'engloutit. Puis, il y avait cette idée de l'eau, ne serait-ce que par ma famille qui habite sur la côte. J'ai des souvenirs d'enfance, à Antibes, où j'aimais bien regarder sous l'eau, comme tous les adolescents. Et donc, quand le personnage passe sous l'eau, c'est dans l'idée d'éteindre l'incendie qui le dévore. Mais ça ne peut pas s'éteindre, c'est trop tard, ça le ronge de l'intérieur. Et il ne peut y avoir qu'une seule fin possible pour lui...
En termes de mise en scène, on a l'impression d'une entrave incessante. Le temps est lumineux, la maison est magnifique, les personnages sont tous uniformément beaux. Et pourtant, on est dans une oppression permanente.
Oppression permanente, c'est vrai, car cette petite famille modèle vit dans un environnement qui est faux, pour moi. Faux, parce que leur mobilier, ce n'est pas eux qui l'ont choisi. C'est une espèce de mobilier de catalogue. Ce n'est pas vrai. Pour moi, c'était aussi montrer le monde occidental qui part en couilles. Avec ce personnage qui, au final, va droit dans le mur. L'idée que j'avais en tête depuis le début, c'était de donner un côté solaire à tout ça. Filmer dans un cadre solaire pour que ça vienne en contradiction avec le drame qui se joue ; qu'on se dise "oui, ça a l'air cool comme ambiance". Mais, non, pas du tout, ce n'est pas du tout cool. Le personnage est en proie à des démons intérieurs, extrêmement violents et qui viennent en contradiction. Ca m'intéressait beaucoup, plutôt que de se dire il y a un drame qui se joue avec une image dégueulasse.
Le plan qui ouvre le film (et qui revient plus tard vers le dénouement) est un plan subjectif du personnage principal regardant le ciel depuis le fond de sa piscine. C'est un plan qui devrait être apaisant mais qui nous fait pourtant ressentir une réalité traumatisante.
Le fond de cette piscine, c'est ambigu. Au début du film, il va dans cette piscine pour se soulager, mettre au fond tout ce qui s'est passé, ce qu'il vient de commettre (on ne le sait pas encore). C'est vrai, il y a un côté utérin. Il va se réfugier au fond de l'eau pour être complètement protégé, mais cela devient très vite, l'instant d'après, oppressant. Il y a les deux à la fois dans la piscine, mais je ne voulais pas que ce soit souligné. J'aime bien l'idée que les choses, quand on les raconte, se glissent dans la mise en scène et qu'elles ne soient jamais affirmées avec un crayon gras. Parce que ce qui m'importe c'est la narration, que le film avance avec les personnages. Que l'on parte d'abord du personnage et de ce qu'il ressent, pour greffer la mise en scène et non pas qu'on parte des situations pour placer le personnage dedans. Je préfère partir du point de vue du personnage et voir comment dans la mise en scène, ce point de vue là va contaminer l'espace, et donc créer quelque chose autour. C'est très important pour moi, parce que cela fait partie du sentiment d'adhésion du spectateur avec un personnage. Plus j'en parle, plus je me rappelle comment ça s'est fait. A un moment donné, ça devient tellement organique que tu as du mal à défaire les fils. C'est compliqué d'en parler, mais parce que tu as envie de ne plus les défaire, les fils. C'était pareil pour le jeu. Je me rappelle qu'on avait beaucoup discuté avec Alexis, le comédien principal, sur l'idée que le personnage était forcément sur des espèces de montagnes russes. C'est pour ça qu'il a ce monologue dans la cuisine, où il raconte son rêve un peu bizarre. On sent qu'il n'est pas bien. Il dit qu'il ne veut pas aller au boulot lundi, qu'il va rester là, il ne se sent pas très bien. Sa femme s'en fout un peu, elle ne l'écoute même pas. Il se déplace derrière elle, il y a une dramatisation qui fait qu'ils ne se côtoient pas. Il est au fond de la cuisine, elle est au premier plan, elle va de temps en temps le voir, mais ils ne se croisent pas. Par le jeu et par la spacialisation, la manière dont je les mettais dans le cadre, ça devait raconter l'incommunicabilité entre les personnages, entre lui et sa femme, puis sa fille. Il aimerait bien que cela n'aille pas dans ce sens là, il y a des moments ou il se reprend, il prend sa fille par la main, ils font une ballade, il se sent un peu mieux, mais il est repris par quelque chose d'invisible. C'est marrant, j'ai beaucoup parlé à une copine qui est psychanalyste et qui m'a décrypté le film d'une manière assez incroyable. Elle m'a dit que je faisais typiquement le portrait de gens qui ont commis des actes horribles. Ils sont dans des hallucinations mentales, de visions, aussi sonores. Beaucoup de malades et de criminels psychopathes décrivent, quand ils arrivent à en parler, des hallucinations sonores. Ils entendent des voix qui commandent d'aller tuer. Moi j'ai réfléchi en me disant "comment est-ce qu'on fait passer, cinématographiquement parlant, tout ce que ressent le personnage ?". J'ai utilisé les moyens du cinéma, le son, les ralentis, pour rentrer dans un univers.
Comment as-tu réalisé le plan final, un long plan qui se conclut par quelque chose de si choquant que l'on bondit littéralement de son fauteuil (ndlr : Les effets spéciaux ont été supervisés par Adrien Charpentier, responsable des effets de DJINNS) ?
C'est un plan assez compliqué à faire, avec beaucoup d'effets spéciaux. Il y avait un rail de travelling qui a été effacé. Comme le rail de travelling touchait la perspective de la piscine, il a fallu recréer toute la piscine en 3D. Ca c'est une première passe avec le comédien. Il y a une deuxième passe sans le comédien et une troisième passe, avec un mannequin, que l'on a tournée en banlieue parisienne. Il y a aussi un mannequin en 3D, numérique, qui a permis de faire la transition entre le comédien et le vrai mannequin. Et tout ça est rivé sur un tracking 5 points en 3D.
Comment as-tu vécu la fabrication de FRACTURE ? Car tu es monteur de formation, tu vis la plupart du temps enfermé dans une pièce, tu as assez peu d'interlocuteurs, tu es dans un cocon avec des questions assez intérieures. Comment passes-tu de ça à un plateau avec beaucoup d'interlocuteurs différents et d'autres problématiques ?
C'est vrai que c'est un sacré changement. Ma femme m'a dit "tu n'as jamais été aussi rayonnant et à l'aise que sur le plateau, en train de tourner". En montage, on est souvent extrêmement stressé, tendu quand on revient du boulot. J'ai trouvé un plaisir et une énergie énormes dans le fait de travailler en commun avec des gens, sur un temps donné, à fabriquer un film. Ce que je n'ai pas en montage. Il y a d'autres plaisirs en montage, qui sont de l'ordre de l'écriture, de la recherche personnelle, et qui se partagent avec peu de monde, avec le réalisateur, un peu la production. C'est un univers effectivement clos, souvent dans le noir. Alors que là, j'ai trouvé ça extrêmement enrichissant et c'est de l'énergie très positive qui se passe sur le tournage. Je me suis aussi beaucoup préparé pour être capable de tenir le film par cœur et être à l'aise dans les moindres problèmes, pour savoir comment corriger le tir. Ça m'a plus mis en phase avec moi-même que le montage. En même temps, je trouve le montage absolument passionnant. Mais le plateau c'est autre chose. Je n'avais pas l'expérience de la hiérarchie. Au cinéma, quand on tourne il y a une hiérarchie à respecter, surtout sur les longs. Tout le monde ne peut pas, en même temps, donner son avis sur tout et n'importe quoi en permanence, sinon on n'avance pas. Alexis, le comédien, me disait qu'on me voyait aller parler avec tout le monde, le machino, l'électro, etc. J'allais expliquer à tout le monde le sens de tout. Ce n'était pas nécessaire, les gens avaient compris, et chacun avait son chef de poste pour indiquer dans quelle direction aller. Mais moi, je voulais que tout le monde soit bien au courant. J'étais très enthousiaste, avec l'idée que si tout le monde est concerné, tout le monde fera du bon boulot. Je pense quand même que ça a servi. Tout le monde était très concerné, à tous les postes, parce que justement j'y mettais une énorme énergie, moi personnellement. Je n'étais pas à attendre derrière mon combo. J'étais en permanence avec eux, à pousser, ranger, faire des trucs. Je ne pouvais pas rester sans bouger.
En quoi ton expérience de monteur a pu influencer ton expérience de réalisateur ?
Ce qui m'a intéressé, c'est de ne pas réfléchir en tant que monteur mais de me mettre pleinement dans la peau du metteur en scène qui va ramener de la matière pour le montage. Une vraie matière, pas simplement des fragments qu'on mettrait bout à bout. Une vraie matière, dense, riche, avec de vrais plans sur leur continuité. La plupart du temps, on faisait beaucoup de plans relativement longs, parce que je savais que j'aurais besoin du début, du milieu ou de la fin, mais j'avais besoin de cette longueur qui permettait aussi aux comédiens de se sentir à l'aise. Je ne filmais pas que des petits bouts. C'est aussi l'expérience du montage. Quand on monte, on sait très vite qu'on a besoin de longueur. Je n'allais pas tomber dans ce défaut du premier film où on tourne que l'utile, des petites choses, et au montage on se dit "pourquoi j'ai pas laissé tourner ?". Au contraire, je laissais beaucoup tourner. L'expérience du montage m'a bien servi, ça permet d'anticiper les problèmes. Aussi parce que ça permet de savoir comment filmer les choses en terme d'espace, de construction de la scène. Il y a beaucoup de gens qui filment en n'ayant pas d'idée sur le montage, ils perdent de la matière, du temps et de l'énergie. Moi je savais comment je voulais monter à peu près, par contre, je ne voulais pas tomber dans la fragmentation. Il y avait énormément de plans à faire. Quand j'ai montré le découpage et le nombre de plans à l'assistant réalisateur, il m'a dit "t'es complètement malade, jamais on pourra faire ça en six jours". 132 plans de cinéma assez compliqués à faire, c'était beaucoup, mais au final on en a fait presque 200. On a donc énormément travaillé et très vite. Pour revenir aux acquis du montage, ce qui m'a servi c'est que je savais très bien quand c'était bon et je n'avais pas besoin de faire 10 prises pour le savoir. Là, je redevenais monteur dans ma tête et je me disais "regarde la scène, elle est en train de se dérouler devant ta table de montage, regarde si cette prise est bonne pour le film que tu es en train de monter". Je me disais oui ou non, et si c'était oui, je disais "ok, elle est bonne, plan suivant". Cette expérience là permet de gagner du temps, définitivement.
Tu as tourné avec la fameuse caméra HD RED, aussi adorée que décriée par beaucoup de chefs opérateurs car c'est un système qui change énormément les conventions de la prise de vue.
Moi, j'ai adoré travailler avec cette caméra. Quand on tourne en 35mm, l'image que l'on aura sur la pellicule est celle que l'on a créée et il n'y a pas de surprise. Avec la RED, on peut avoir des surprises si on connaît mal la caméra. En la connaissant très bien, on est à l'abri des surprises. C'est vrai que lorsqu'on voit l'image tournée par la RED en post production, l'image n'est pas du tout celle que l'on voyait dans l'œilleton. Elle est très plate, grise, sans contraste. Il y a un pré-étalonnage qui est fait pour pouvoir la monter, sinon elle est trop fade, et on la retrouve à l'étalonnage sans problème. Elle est riche, dense, belle… Elle est magnifique ! Les splendides objectifs (Série Cooke S4) que la production nous a permis d'avoir permettaient de se reprocher au plus près de l'esthétique que l'on souhaitait, moi et le chef opérateur. Et puis, je trouve que la RED est vraiment parfaite pour continuer à travailler l'image en post-production. On tournait en 4 K et la post-production était en 2 K (ndlr : l'image de tournage était donc deux fois plus grande que l'image de diffusion), ça permettait donc de recadrer les images. Il m'est arrivé même de recadrer complètement certains plans à l'étalonnage pour en faire des plans serrés et on ne voyait aucune différence. On n'a pas du tout cette latitude là en 35mm où on est bloqué par la résolution de l'image. J'ai très envie de continuer à tourner avec cette caméra. Mais il faut un chef opérateur qui la connaisse très bien et en sache les limites. Car on peut vite avoir une image très fade et qui peut apparaître très numérique, si on va au-delà de ce qu'elle peut donner. Je ne peux que me féliciter d'avoir rencontré Benjamin Chartier, le très doué chef opérateur de FRACTURE, qui a l'expérience de cette caméra et qui savait comment faire pour restituer l'ambiance "35mm scope" que je désirais pour le film.
Le grand public se perd parfois avec les formats HD. Il a tendance à le considérer comme un vulgaire format vidéo comme le format DV par exemple. Une image de cinéma du pauvre…
La HD est compliquée parce ça regroupe pas mal de formats. La DV n'est pas du HD, c'est du SD, donc une résolution d'image assez basse. C'est ce qui fait dire au grand public que c'est de la vidéo. Alors qu'en HD on arrive à des qualités d'images pour lesquelles on ne voit plus la différence avec de la pellicule. Notamment, la caméra RED qui permet d'avoir une qualité d'image qui égale le 35mm. Il n'y a pas que la RED en HD, il y a d'autres caméras, la D-21 d'Arriflex, la Genesis de chez Panavision, qui ont une qualité d'image qui permet de ne plus faire la différence avec la pellicule. Tout dépend vraiment du chef opérateur, de la qualité des objectifs mis devant. D'une caméra à l'autre, avec tel ou tel objectif, on peut avoir de très grosses différences d'images. C'est une manière de tourner différente de la pellicule, mais c'est l'avenir aussi. Beaucoup de films se tournent en HD et le public ne le sait pas. C'est parfois aussi tourné en 35mm mais projeté en HD et on ne le voit pas forcément non plus. Les barrières sont en train d'exploser totalement et la HD prend un essor énorme et c'est très bien. Ça permet aussi que des films se fassent, ce qui ne serait pas possible si on avait compté sur l'économie coûteuse de la pellicule. Le fait de tourner en HD fait que l'on se retrouve avec des problématiques beaucoup plus simples. Dans le cas de FRACTURE, on a pu projeter le film à la première au Gaumont et à Cannes en DCP (Digital Cinema Package) qui est l'équivalent de la copie 35mm dans le monde de la projection numérique en salle de cinéma, ce qui a été formidable pour la réception du film auprès du public. Il y a donc une chaîne numérique qui, si elle est respectée de bout en bout, permet de continuer à travailler l'image de façon encore plus fine, et moi, ça me convient très bien pour l'instant. C'est une autre palette d'images qui est très intéressante, il faut la traiter comme telle.
Tu as monté toi-même FRACTURE ? Car il est souvent mal vu qu'un réalisateur monte lui-même son propre film.
Avec la production, c'était une discussion. Je me disais que j'allais le monter moi parce que sinon j'allais me sentir frustré. D'autre part je me disais qu'il y aurait peut-être des conflits s'il s'agissait d'un autre monteur très expérimenté. Moi, j'ai de l'expérience aussi mais je craignais que ce ne soit pas alimenté par de bonnes énergies. Donc, j'ai proposé une solution de montage à 4 mains avec une assistante. Ça n'a pas très bien marché. J'ai repris les choses en main au bout d'une semaine et, de l'avis général, ça s'est très bien passé. Je ne suis pas tombé dans le cliché du réalisateur qui ne veut pas couper "sa scène" ! Au contraire, j'ai coupé 2 ou 3 scènes d'importance prévues dans le film. Très rapidement, je les ai vues, ça ne marchait pas dans la logique du film, je n'ai eu aucun problème pour les couper. J'avais très sincèrement la sensation de voir les images de quelqu'un d'autre. Je me mettais très facilement dans la position de me dire "ce n'est pas mon film, il a tourné ça, ce n'est pas très bon ou ça ne fonctionne pas dans le film, je coupe". J'ai adopté la méthode que j'adopte souvent en montage, je vais très vite au début, quitte à faire des erreurs, ce n'est pas très grave. Il faut aller très vite à une première version, et en te libérant de l'idée qu'il faut faire quelque chose de bien dès le début. On arrive à une première version, une espèce de brouillon qui pose des choses, donne des idées pour la suite. Après, j'ai passé 5 semaines à (re)monter le film. Puis j'ai fait des séances de projos tests avec des amis, à raison de deux ou trois par séance. Je ne voulais pas des scénaristes, je ne voulais pas des réalisateurs, parce que je trouve que ce n'est pas une bonne expérience. Ce sont des gens qui, malheureusement, n'ont pas toujours le recul nécessaire pour différencier les conseils bienveillants et ce qu'ils feraient eux si c'était leur film !! Ce n'est donc pas très constructif. Donc, avec des amis et des simples spectateurs lambdas, ça s'est très bien passé. Ils ont amené des choses auxquelles je n'avais pas forcément pensé, ce qui m'a permis d'affuter encore le montage. Je me suis laissé porter par l'envie première de faire un film à la fois efficace et qui recèle beaucoup de choses cachées, souterraines, avec le temps de les présenter.
FRACTURE est projeté mercredi à Cannes en sélection à la semaine de la critique. Comment tu te sens à quelques jours de la projection ? Qu'espères-tu de cette diffusion ?
Je suis très content qu'il soit à la semaine de la critique. J'espère que ça va ouvrir sur d'autres sélections en festivals déjà. Que le film puisse vivre sa vie, être vu par le maximum de gens. Parce que c'est quand même pour ça qu'on fait des films. J'espère que la semaine sera un tremplin intéressant pour le film. Par rapport à la projection, je ne flippe pas trop. Honnêtement je suis très confiant, j'aime beaucoup le film. Je suis fier de le montrer et je n'ai pas le trac. Ce qui m'intéresse le plus c'est de savoir comment le film va rebondir sur les gens qui vont le voir, les gens de la presse, les gens d'autres festivals, qui seront intéressés ou pas. J'aimerais bien aussi avoir des réactions négatives, inattendues, qui me remettent en question etc... J'attends beaucoup de ce que va donner ce coup de projecteur énorme du festival de Cannes sur le film. Le festival de Cannes est un des plus gros festivals au monde, en tout cas le plus prestigieux !
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Dossier réalisé par
Eric Dinkian, Sandrine Ah-Son & Micheline Dinkian
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Nicolas Sarkissian