5. Ruggero Deodato (Interview)

Francis Barbier : Dans les films en compétition cette année, il y a trois films...

Ruggero Deodato : (sourires)

Vous voyez ou je veux en venir ?

(rires)

…Il y a donc trois films qui ont utilisé la même méthode de reportage que vous avez utilisée dans CANNIBAL HOLOCAUST il y a 30 ans. Que vous inspire aujourd'hui le sentiment d'avoir été précurseur ?

De la gratification, bien sûr. Pour [REC], ça va, j'ai bien apprécié. Pour CLOVERFIELD, cela me paraît intéressant jusqu'au moment où arrive le monstre. Après, c'est une autre histoire. Mais je me suis faché aujourd'hui. A Sitgès, j'ai rencontré George Romero. Je me suis introduit à lui. "Monsieur Romero, je suis Ruggero Deodato, enchanté de vous rencontrer". Je ne savais pas qu'il avait déjà fait DIARY OF THE DEAD. Par contre, je savais qu'il avait vu CANNIBAL HOLOCAUST. J'aurais voulu qu'il me parle, qu'il me dise "Quel mauvais film" ou "Quel bon film". Mais rien... Ce fut un "Enchanté de vous rencontrer" et il est parti, comme ça. Et aujourd'hui je vois DIARY OF THE DEAD. Etrange.

Vous êtes connu pour CANNIBAL HOLOCAUST, mais vous avez tourné beaucoups d'autre films. UOMINI SI NASCE POLIZIOTTI SI MUORE pour le poliziottesco, SOS CONCORDE pour le film catastrophe… Vous avez touché à tout alors que beaucoup de réalisateurs italiens se sont cantonnés à des genres bien précis. Ce fut un choix ? C'était possible de choisir ?

C'était un choix assumé dans ma carrière cinématographique. J'ai commencé comme assistant de Rossellini, Corbucci, Margheriti, Castellari... Mais quand tu deviens réalisateur, tu as peur de faire un flop. Alors immédiatement, tu penses : "qu'est-ce que je vais faire ?". Alors je me suis dis "Ok, je commence avec un film de publicité. Et après, quel est le panorama pour travailler. La télévision ? Alors je ferai de la télévision. Des documentaires ? je vais en faire.. Après, il faut choisir le genre. Faire un film avec un chanteur ? Non. Je vais alors faire du comique. Ca ne convient pas ? Alors je change...". Mais la chose la plus importante... Comme quand la Cannon m'a appelé pour faire LES BARBARIANS, j'étais content mais je le fus encore plus lorsqu'un fabricant de siège de luxe italien (Poltrona) m'a appelé pour filmer un siège. Car je suis nécessaire aussi pour ça. Un hymne à la créativité. Dans la publicité, c'est comme cela. J'aime la caméra. Il faut être professionnel pour cela. C'est comme les mouvements de caméra. Tout doit toujours être prêt : bien filmer, bien photographier. C'est pour cela que je pense que ce n'est jamais facile. J'ai toujours peur.

Encore aujourd'hui ?

Oui. Et j'ai encore plus peur lorsque je vois d'autres films où la caméra bouge, où tombe un gratte ciel, et arrive un monstre, un hélicoptère qui tombe… (rires). C'est aussi pour cela que je préfère ma créativité. Je suis né comme ça. Pour la nécessité et la réactivité. C'est comme cela en Italie. Tu dois tourner à la Piazza Spagna à Rome. Toute l'équipe est prête, mais tu n'as pas la permission. Alors tu dois aller à Piazza Navona. La première fois, tu te dis "Oh mon dieu, ce n'est pas possible"… Et la seconde fois, c'est tout de suite direction Piazza Navona, sans se poser de question. C'est comme cela. C'est mon premier maître, Rossellini, qui m'a appris tout cela. Ce n'est pas comme aux Etats-Unis. Tu as une scène où l'homme embrasse une fille avec des cheveux rouges. Si tu changes la couleur des cheveux, c'est la catastrophe. L'acteur te dit qu'il a étudié la scène avec la fille aux cheveux rouges (rires) C'est pour cela que je préfère toujours ma créativité.

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Dossier réalisé par
Francis Barbier