3. Jean-Marc Vincent (Interview)

BABY BLOOD a été réalisé en 1989. Pourquoi une suite après tant d'années ?

Ca fait effectivement pas mal d'années. BABY BLOOD est un film qui m'avait beaucoup marqué. A l'époque, je sortais d'un petit passage au sein de Starfix. Et mon ami Christophe Lemaire, grand connaisseur en cinéma gore en France, avait fait des articles sur BABY BLOOD que j'avais lus et dévorés. C'était vraiment une grande première en France. Il ne faut pas oublier que dans ces années-là, le gore, c'était réservé aux américains. On sortait de la vague STREET TRASH, EVIL DEAD 2… On découvrait ça et c'était un cinéma trop malpoli pour que ça puisse à priori intéresser le public et surtout les producteurs français. Il se trouve que les choses ont changé. On ne va pas refaire l'histoire, mais entre les B-Movies, les ouvertures des uns et des autres, le cinéma de genre commence à trouver preneur chez les spectateurs en France. Et moi, je cherchais depuis très longtemps un film qui était acceptable en terme de financement. Parce qu'écrire des choses qui coûtent cher, je sais faire, mais écrire des choses qui ne coûtent pas cher, je sais moins… Donc ça a été une rencontre entre Emmanuelle Escourrou qui a écrit un synopsis qui était vraiment intéressant, Eric Porcher le producteur et moi-même. Et voilà, on s'est dit : " il y a quelque chose à faire, allons-y " ! L'idée n'était pas de reprendre les idées de BABY BLOOD, mais que je me réapproprie le film pour en faire quelque chose de neuf. On est parti sur un matériau totalement polar. C'est vraiment un polar horrifique. La monstruosité, elle est autant chez nos mafieux que chez ceux qui sont possédés par le monstre. Et c'est aussi très premier degré. J'ai enlevé tout ce qu'il y avait d'humoristique.

Mais ça reste gore ?

Bien entendu ! Mais ça n'est pas du gore complaisant. Le cinéma que j'aime c'est plutôt des films sombres, sérieux et premier degré. Je suis un grand fan de Fincher, pour n'en citer qu'un, et j'avais envie de faire SEVEN avec un vrai monstre. C'était un peu ça mon envie dès le départ. Il y a aussi des personnages, des émotions… Mais pas de complaisance. Par contre, quand ça pisse le sang, ça pisse le sang !

Comment avez-vous travaillé le synopsis d'Emmanuelle Escourrou pour aboutir au scénario final de LADY BLOOD ?

L'idée de départ est la propriété d'Emmanuelle Escourrou et on l'a travaillé à trois. Emmanuelle, moi, et Hubert Chardot qui est un grand nom du jeu vidéo car c'est lui qui a créé Alone in the Dark. C'est aussi un ami de longue date et c'est devenu mon scénariste depuis dix ans. On a développé plein de choses ensemble. Et donc Hubert a amené, outre une sous-intrigue de polar du côté des mafieux, beaucoup d'éléments du domaine de la terreur. Le côté " survival horror ", c'est sa spécialité et on en retrouve dedans.

Vous tournez en numérique. Pourquoi pas en pellicule ?

J'ai mis très longtemps à être convaincu. Mais aujourd'hui, grâce à la post-production en numérique, je mets au défi quiconque de faire une différence entre ce qui est tourné en numérique et ce qui est tourné en pellicule. J'ai fait trois courts-métrages en pellicule, le dernier entièrement post-produit numériquement, et j'ai un master de ce dernier en HD qui est nickel ! Et puis ça me permet de ne pas compter les prises, de ne pas avoir un producteur qui me dit : " holà, on est en dépassement de tant de boîte de pellicule "… C'est vrai maintenant qu'il y a un côté " il ne faut pas en abuser "… Le piège, c'est de se dire : j'ai une quantité illimitée de matériaux ! Mais le problème ensuite est qu'il faut le monter. Donc je m'astreins à avoir des réflexes de tournage pellicule même si je tourne en HD. Et avec mon chef opérateur, qui est un habitué de la HD, on a travaillé dans le sens d'une esthétique très cinéma et pas du tout télé.

Qui s'est occupé des effets spéciaux ?

Les effets spéciaux plateaux ont été réalisés par David Scherer et son équipe. On a attaqué le listing des effets au mois de mai (soit plus de six mois avant le début des prises de vues) et, dès le mois de juin, ils ont attaqué les sculptures et les moulages. L'idée était de tout filmer, même si au montage, j'allais décider de ce que j'ai envie de montrer. Mais il fallait que ce soit crédible intégralement sur le plateau. Et David est quelqu'un d'extraordinaire car quand il dit qu'il y en a pour vingt minutes de maquillage, c'est pas vingt et une, c'est pas dix neuf, c'est vingt ! C'est un gain de temps important et c'est incroyablement rassurant pour tout le monde. Le plus gros travail de maquillage est la prothèse posée sur Serge Riaboukine, qui joue le chef des mafieux, et ils n'ont mis que quarante minutes pour l'installer. Mais le résultat est très impressionnant.

Il n'y a que des effets de maquillage ou aussi du numérique ?

On a quelques effets numériques qui sont supervisés par Sébastien Drouin. Récemment, il a travaillé sur ALEXANDRE d'Oliver Stone, sur BABYLONE A.D. de Matthieu Kassovitz, sur DARK NIGHT de Christopher Nolan. Mais il n'a pas pu travailler, parce qu'il faisait LADY BLOOD et j'en suis très heureux, sur SPEED RACER des frères Wachowski. Donc c'est une vraie grosse pointure. A tel point que quand il vient sur le plateau, pour le tournage des plans en compositing avec les comédiens, je vais jusqu'à lui laisser la réalisation. Je n'ai pas le quart du dixième de son expérience, surtout que dans ces cas-là, il ne faut pas rater son coup.

Aujourd'hui c'est l'avant dernier jour de tournage. Quel est votre sentiment sur tout ce qui vient de se dérouler ?

On a beaucoup de fierté à arriver à la fin d'un tournage comme celui-là. Mais que je ne prends pas pour moi, que je redistribue à l'équipe. Je suis très très fier d'eux. On avait une cadence… L'idée était de faire tenir trois litres d'eau dans une bouteille d'un litre. Et bien on a tenu tout le plan de travail ! Et je ne suis pas si fatigué que ça, ça me surprend, même si je me suis fait une prépa physique avant. Là, je suis content parce que j'ai vu le résultat et ça va déchirer !

Pourquoi avoir fait appel au comédien Philippe Nahon ?

Pour le casting, j'ai fait appel à tous mes potes. Il y a Bruno Solo, Philippe Nahon, Serge Riaboukine, Shirley Bousquet, Matthias Van Khache… Si vous leur posez la question " pourquoi vous êtes dans le film ? ", c'est parce qu'un jour on s'est croisé, que j'ai apprécié leur talent, et que je savais qu'ils auraient la gueule pour venir jouer dans le film. Et c'est un film de gueules ! C'est cet esprit de série B que je voulais absolument conserver car on est dans un polar à l'ancienne finalement. Il y a des séquences entières qui ne sont pas des séquences découpées. Car il faut que les comédiens puissent s'exprimer. Enfin on a ces talents aux services de la série B en France !

Et vous pensez amener quelque chose de plus à la vague récente de cinéma de genre français ?

Je ne sais pas si j'ai amené quelque chose de plus par rapport à ce qui a été fait. Par contre, pour avoir vu les rushes, il y a quelque chose de plus qui s'est passé par rapport au scénario que l'on a écrit. Donc je pense qu'il y a de bonnes nouvelles à attendre…

Le film va entrer en postproduction. Est-ce que vous avez déjà une idée d'une date de sortie en salle ?

Contractuellement, je dois livrer le film entre la fin mars et mi-avril. Après il y a Cannes, et ce n'est pas le genre de film pour Cannes. Maury et Bustillo en ont fait les frais en présentant A L'INTERIEUR l'année précédente. La date de sortie sera la décision de mon producteur et de son distributeur. Pour moi, c'est un bon film d'intersaison. C'est un bon film d'automne. C'est un film que j'aurais envie de voir en vacances de la Toussaint, à Halloween, pour une soirée entre potes. Après si on tombe entre STAR WARS 12 et HARRY POTTER 40, il faudra penser à autre chose.

Les films anticipent de plus en plus leur exploitation en DVD. Est-ce que vous avez déjà prévu du contenu ?

Tout à fait. Il y aura un très long Making Of car une équipe nous a suivie pratiquement tous les jours. Il y aura tellement de choses à découvrir. Et puis un tournage, c'est une aventure humaine, donc il s'est passé des choses. Il y aura un commentaire audio avec plusieurs invités. Mais j'ai aussi demandé à faire un autre commentaire audio exclusivement avec Hubert Chardot, le scénariste. Parce que ce film est dans la continuité de ce que l'on a déjà fait jusqu'à présent. C'est la première pierre. Il y en aura d'autres…

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Dossier réalisé par
Xavier Desbarats, Eric Dinkian et Christophe Lemonnier
Remerciements
Jean-Marc Vincent, Emmanuelle Escourrou, Philippe Nahon, Hubert Chardot, David Scherer, Luc Schiltz, Caroline Piras et Alterego Films