Header Critique : LA MOMIE (THE MUMMY)

Critique du film
LA MOMIE 1999

THE MUMMY 

Au XVIIe siècle avant J.C, Imhotep, grand prêtre du pharaon Séthi Ier, trahit son maître en couchant avec sa favorite. Il poignarde ensuite le souverain. Il est arrêté, puis condamné à être momifié et enterré vivant. En 1923, des archéologues retrouvent son tombeau et le réveillent par mégarde...

Le réalisateur Stephen Sommers naît dans le Minnesota en 1962. Il étudie, notamment à Séville en Espagne et reste ensuite quatre années en Europe. Il y travaille comme acteur de théâtre et comme manager de tournées pour des groupes de rock. Il retourne ensuite aux USA étudier durant trois ans dans une école de cinéma où un de ses courts-métrages reçoit une récompense. Il réunit des fonds et tourne dans sa ville natale CATCH ME IF YOU CAN de 1989 (une jeune femme accepte de participer à une course automobile afin de récolter de l'argent pour sauver son lycée). Puis il co-réalise TERROR EYES (au cours d'un week-end à la campagne, des amis se racontent leurs peurs les plus profondes).

Finalement, Stephen Sommers atterrit chez le studio Walt Disney pour lequel il adapte deux classiques de la littérature familiale anglo-saxonne. Cela donne d'abord LES AVENTURES DE HUCKLEBERRY FINN de 1993, d'après Mark Twain, avec Elijah Wood. Notons que le réalisateur Michael Curtiz, que Stephen Sommers admire, a aussi tourné une version de ce roman : LES AVENTURIERS DU FLEUVE de 1960. Ensuite, Stephen Sommers signe LE LIVRE DE LA JUNGLE de 1994, d'après Rudyard Kipling, avec Jason Scott Lee dans le rôle de Mowgli.

Après avoir écrit le scénario de DEUX DOIGTS SUR LA GÂCHETTE, film d'action avec Christophe Lambert et Mario Van Peebles, Stephen Sommers change de registre et tourne pour Hollywood Pictures (filiale du studio Disney) le réussi UN CRI DANS L'OCÉAN qui sort en 1998 : des voleurs de bijoux se retrouvent piégés dans un cargo à bord duquel sévit une monstrueuse créature tentaculaire.

Ce film sympathique, mais coûteux, mêle déjà action, humour et horreur. Hélas, c'est un bide sévère. De plus, la genèse du métrage s'avère conflictuelle et Stephen Sommers ne s'entend pas avec la nouvelle équipe à la tête de Disney. Il faut qu'il trouve un nouveau studio pour lequel œuvrer.

Au début des années quatre-vingt-dix, les Majors hollywoodiennes remettent à l'honneur les mythologies du cinéma fantastique, au gré de films à gros budgets et avec des acteurs connus. Ainsi, les succès de BRAM STOKER'S DRACULA de Francis Ford Coppola et d'ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE de Neil Jordan donnent aux grandes compagnies l'envie de ressortir de leurs placards les monstres classiques du cinéma fantastique.

Le succès n'est pas toujours au rendez-vous. Francis Ford Coppola confie la réalisation d'un FRANKENSTEIN à Kenneth Branagh, lequel y interprète le savant suisse tandis que Robert De Niro incarne sa Créature. Ce métrage reçoit un accueil bien plus mitigé que BRAM STOKER'S DRACULA dont il se veut le successeur artistique.

Les loup-garous sont sollicités dans WOLF de Mike Nichols avec Jack Nicholson. Mal reçu par la critique, ce titre ne fonctionne que moyennement auprès du public. Tim Burton s'intéresse au roman «Docteur Jekyll et Mr. Hyde» de Robert Louis Stevenson. Mais il ne parvient pas à imposer ses idées et ses acteurs. Finalement, son projet se voit réaliser par Stephen Frears sous le titre MARY REILLY (nom de la domestique du Docteur Jekyll), film interprété par Julia Roberts et John Malkovich. C'est un gros échec commercial.

Une nouvelle adaptation du roman «L'île du docteur Moreau» de H.G. Wells donne aussi lieu à des mésaventures. Le réalisateur-scénariste Richard Stanley (HARDWARE) est renvoyé en cours de tournage et se voit remplacé à la volée par le vétéran John Frankenheimer. Malgré la présence de Val Kilmer et de Marlon Brando, la critique est sévère et le public boude.

Même en Italie, certains se piquent de reprendre des thèmes classiques de l'horreur. Dario Argento et Lucio Fulci écrivent un relecture du MASQUES DE CIRE de Michael Curtiz. Fulci doit le réaliser, mais il décède peu avant le début du tournage et LE MASQUE DE CIRE est finalement mis en scène par Sergio Stivaletti, un spécialiste des effets spéciaux dont c'est la première réalisation. Il s'agit d'une réussite, portée par l'interprétation de Robert Hossein.

Puis, Dario Argento se rend en Hongrie pour tourner un projet qui lui tient à cœur depuis la fin des années soixante-dix : une nouvelle adaptation du FANTÔME DE L'OPÉRA. Le film s'avère un fiasco. Dans les deux cas, ces films ne bénéficient pas d'une distribution correcte hors d'Italie.

Malgré ces échecs, d'autres projets ambitieux émergent à Hollywood. Peter Jackson travaille un temps sur un remake de KING KONG, projet dont les droits sont alors chez Universal. Mais après la déconvenue commerciale de FANTÔMES CONTRE FANTÔMES du même metteur en scène, le studio se ravise. Toujours chez Universal, on envisage de refaire L'ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR, autre grand monstre fameux, sans que cela n'aboutisse. Surtout, le compte de la momie n'est pas encore réglé alors que le tournant de la décennie arrive.

Il y a bien MOMIE : LA RESURRECTION de Gerry O'Hara qui sort dès 1993, produit par une petite compagnie dirigée par Yoram Globus. Dans le rôle du Monstre, Anthony Perkins est d'abord pressenti. Mais la vedette de PSYCHOSE meurt du Sida en 1992. Tony Curtis (L'ÉTRANGLEUR DE BOSTON) est embauché à sa place. Cette petite production n'a pas de succès et atteint la France directement en vidéo.

A la même époque, une rumeur veut que George A. Romero (LA NUIT DES MORTS-VIVANTS) prépare aussi un film de momies. Plusieurs réalisateurs s'intéressent à l'adaptation du roman de Bram Stoker «Le joyau aux sept étoiles», dans lequel un archéologue est hanté par une momie. Lucio Fulci commence un scénario pour ce projet. Mais c'est finalement sous la forme de LA LÉGENDE DE LA MOMIE, une petite production tournée par Jeffrey Obrow, qu'il se concrétise. Sa réputation est désastreuse et ce métrage aussi ne sort en France qu'en vidéo. LA MALÉDICTION DE LA MOMIE de Russell Mulcahy se monte au Luxembourg et bénéficie même d'une apparition de Christopher Lee. Encore une fois, c'est un produit modeste et il ne sort pas au cinéma en France.

Il reste donc à proposer une vision ambitieuse du mythe. Il est avancé à un moment que James Cameron lui-même est intéressé par ce projet. Mais à la fin de la décennie, Universal, qui a accumulé durant dix ans des scénarios censés faire revenir la Momie au cinéma, se trouve échaudé par les échecs commerciaux des dernières retranscriptions de grands mythes fantastiques. Les ambitions progressent à la baisse. Un budget très modeste (15 millions de dollars) est prévu. En 1997, le projet semble au point mort.

Pourtant, Stephen Sommers rend visite au studio avec son propre scénario et veut les convaincre de lui laisser réaliser LA MOMIE. Il pense à une œuvre coûteuse, pleine d'effets spéciaux. Universal, sans doute soulagé de voir quelqu'un d'enthousiaste leur proposer de faire aboutir LA MOMIE, lui fait confiance et lui confie un budget plus solide de 80 millions de dollars. Alors même que le film ne bénéficie pas de la présence de vedettes.

Stephen Sommers peut alors s'atteler à une nouvelle version du classique LA MOMIE de Karl Freund, interprété en son temps par Boris Karloff. Stephen Sommers est un passionné de cinéma hollywoodien classique et ne cesse de clamer son admiration pour LAWRENCE D'ARABIE de David Lean, 20000 LIEUES SOUS LES MERS de Richard Fleischer ou LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT de Robert Stevenson. Il admire aussi les films de cape et d'épée de Michael Curtiz interprétés par Errol Flynn (CAPTAIN BLOOD, LES AVENTURES DE ROBIN DES BOIS). Il compte s'inspirer de toutes ces influences pour LA MOMIE. Cette cinéphilie rare et de bon goût va infuser dans son métrage, lui apporter un solide passé culturel sur lequel se bâtir.

Stephen Sommers est bien entouré par une équipe de travailleurs aussi éprouvés que le chef-opérateur Adrian Biddle (ALIENS), le décorateur Peter Howitt (LE CHOC DES TITANS, INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT) et le compositeur Jerry Goldsmith (LA PLANÈTE DES SINGES, ALIEN).

Les effets spéciaux sont confiés en majorité à la société ILM de George Lucas, compagnie avec laquelle Stephen Sommers s'est bien entendu lors de la création d'UN CRI DANS L'OCÉAN. Cette firme travaille alors sur le très attendu STAR WARS : EPISODE I - LA MENACE FANTOME de George Lucas. Elle va faire bénéficier LA MOMIE des derniers progrès technologiques développés à cette occasion.

Ainsi, LA MOMIE propose des effets spéciaux alors jamais vus, qui le place à l'avant-garde des blockbusters. Une momie décharnée se promène parmi les acteurs, une tempête de sable prend un visage humain, des hordes de scarabées traquent ses victimes... 1999 marque un tournant dans la maturité des effets spéciaux numériques.

Arrivent ainsi des titres comme MATRIX et ses deux suites, la trilogie amorcée par STAR WARS : EPISODE I - LA MENACE FANTOME ou encore LE SEIGNEUR DES ANNEAUX. Trois cycles de métrage qui vont proposer des visions fantastiques alors inédites au cinéma, avec des personnages fantastiques entièrement numériques ou des foules des figurants virtuels permettant de reconstituer des batailles dantesques.

En terme d'acteurs, Stephen Sommers n'emploie pas dans LA MOMIE des Stars connues internationalement. Il décide sagement que la vedette du film doit être la Momie elle-même et non un comédien faisant d'un grand monstre classique son faire-valoir.

Le rôle principal, celui du baroudeur Rick O'Connell, est confié à Brendan Fraser, surtout remarqué dans la comédie GEORGE DE LA JUNGLE et dans la belle restitution des derniers jours de James Whale GODS AND MONSTERS. A ses côtés, nous trouvons la britannique Rachel Weisz et, dans le rôle de la momie, Arnold Vosloo, qui sort tout juste du PROGENY de Brian Yuzna, intéressante variation horrifique autour de l'enlèvement extraterrestre et de la grossesse monstrueuse.

Dans sa manière d'aborder LA MOMIE, Stephen Sommers se démarque des précédentes tentatives d'épouvante classiques des années quatre-vingt-dix. Celles-ci essayaient de renouer avec une horreur gothique (BRAM STOKER'S DRACULA, FRANKENSTEIN).

Plutôt que de livrer un produit axé sur l'épouvante, Stephen Sommers mêle un grand nombre de genres issus du cinéma hollywoodien. Certes, nous retrouvons des éléments d'horreur provenant du film original (des archéologues imprudents réveillent la momie Imhotep). Des notions romantiques, bien présentes dans le film de Karl Freund, sont restituées fidèlement, notamment au cours du splendide prologue antique.

Mais c'est surtout l'influence du film d'aventures qui domine l'ensemble. Nous pensons bien entendu aux œuvres mettant en scène des explorateurs et des archéologues. Avec des films des années cinquante comme LE SECRET DES INCAS avec Charlton Heston ou LA VALLÉE DES ROIS de Robert Pirosh. Et surtout avec la trilogie des premiers films d'Indiana Jones tournée par Steven Spielberg dans les années quatre-vingts, Stephen Sommers ne cachant pas son admiration pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE.

Stephen Sommers est aussi fasciné par les mythologies antiques. Il admire les péplums d'aventures, notamment ceux dont les monstres sont créés et animés par le magicien des effets spéciaux Ray Harryhausen (JASON ET LES ARGONAUTES de Don Chaffey et sa fameuse bataille avec des soldats squelettiques, à laquelle rend nettement hommage le final de LA MOMIE).

Surtout, Stephen Sommers s'inspire des films de cape et d'épées de Michael Curtiz pour mêler adroitement action, humour et romance, sans que jamais un élément n'affaiblisse l'autre. Il imprime à son film un rythme nerveux et précis, et concocte des scènes d'action vives, se développant dans l'espace avec élégance – nous ne nous étonnons pas de trouver moult précipices et escaliers dans le final !

Ainsi, il rompt avec la lourdeur et les explosions des blockbusters d'action des années quatre-vingt-dix (incarné par des succès comme PIÈGE DE CRISTAL de John McTiernan, TERMINATOR 2 de James Cameron ou SPEED de Jan De Bont). Grâce à tout cela, LA MOMIE possède un charme et une légèreté imparables.

LA MOMIE séduit aussi par la qualité de ses effets spéciaux (les monstres en image de synthèses s'accordent à merveille avec l'ambiance très BD de l'ensemble) et par la magnifique restitution de l'imaginaire purement cinématographique de l'aventure exotique.

Cet imaginaire trouve ses racines dans l'Âge d'Or d'Hollywood (KING KONG, TARZAN L'HOMME SINGE). Nous ne nous étonnons pas à ce titre, de voir Brendan Fraser incarner un soldat de la légion étrangère, héros fort populaire dans le cinéma des années trente. Nous admirons le travail des décorateurs et du chef-opérateur, qui rend à merveille cet univers égyptologique artificiel et poétique.

LA MOMIE est un redoutable cocktail d'humour, de charme, de fraîcheur et d'énergie qui embarque le spectateur pour deux heures de bonheur cinématographique. Ce n'est pas un film, c'est un euphorisant ! Il s'impose comme un des meilleurs films d'aventure fantastique, aux côtés de KING KONG, LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD ou LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE.

Pourtant, Universal n'y croit pas au moment de sa sortie. LA MOMIE est distribué à la va-vite, juste avant que le mastodonte STAR WARS : EPISODE I - LA MENACE FANTOME ne débarque sur les écrans.

Le public, privé de ce genre de divertissement rétro depuis INDIANA JONES ET LA DERNIÈRE CROISADE de 1989, ne s'y trompe pas. LA MOMIE est un triomphe.

Ce film va alors connaître deux suites, dont la première, LE RETOUR DE LA MOMIE, sera écrite et réalisée par Stephen Sommers à nouveau. Il produit même un film Spin Off de ce dernier avec LE ROI SCORPION qui lance Dwayne Johnson comme vedette du cinéma d'action.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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