LE CINÉMA GOTHIQUE : UN GENRE MUTANT 2009

 
Couverture Livre LE CINÉMA GOTHIQUE : UN GENRE MUTANT

Vulgarisée par une partie de la littérature baroque (baroque dit "noir"), l'imagerie funèbre induit des thèmes, motifs et "sentiments" qui, réinterprétés par le sublime burkien un siècle plus tard, donneront naissance au genre gothique. Notamment popularisé par Horace Walpole ("Le Château d'Otrante", 1764), Ann Radcliffe ("Les Mystères d'Udolphe", 1794) et M. G Lewis ("Le Moine", 1796), le roman noir nourrit un certain nombre de thèses contemporaines dont les célèbres et pertinentes "Roman gothique anglais" de Maurice Levy ou "Châteaux de la subversion" d'Annie Le Brun. La curiosité suscitée par ce mouvement littéraire agite cependant moins de plumes lorsqu'il s'agit d'analyser son actualisation au sein du Septième Art. Valérie Palacios se penche bravement sur le sujet dans un ouvrage doté d'un titre prometteur: "Le Cinéma gothique. Un genre mutant".

L'introduction revient brièvement aux origines d'un terme dont notre critique espère pouvoir "couvrir l'essence " cinématographique. En conséquence, Valérie Palacios opte pour une étude synchronique du genre lequel ordonnera précisément une taxinomie d'ordre thématique. Vampires, loups-garous, monstres, Diable, fantômes, mysticisme et fétichisme ; le texte conforme sa structure à maints ouvrages du type pour juxtaposer sept parties au demeurant fort inégales.

Chaque chapitre s'ouvre sur un rapide résumé des ascendances tant historiques qu'artistiques de la figure traitée. Naissance mythologique ou légendaires puis mutation des personnages au fil des siècles ; les paragraphes survolent souvent leur sujet et manquent cruellement de références précises. L'auteur ne cite guère ses sources et évoquera un commentaire audio sans mentionner le locuteur (Vraisemblablement celui de Tom Weaver proposé sur le DVD de L'ETRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR.) ! Cette propension à l'"à peu-près" singularise malheureusement de multiples démonstrations pour constituer le gros défaut du livre.

En effet, la spécialiste projette implicitement de mettre en évidence la singularité "gothique" de son corpus sans pour autant assujettir sa réflexion à des méthodes, certes contraignantes, mais ayant fait leurs preuves depuis l'Antiquité. Partir d'une tradition en vue de relever son incidence sur quelques productions contemporaines ou, au contraire, déduire de ces dernières les grands critères qui permettront de définir le genre ; les deux approches, souvent corrélatives d'ailleurs, supposent la mise en place d'argumentaires dont la justesse consécutive semble faire défaut ici. Valérie Palacios soumet la perspective gothique à une "volonté de fuir une réalité déprimante", à une interrogation sur "les liens entre l'amour et la mort", à une découverte "des zones d'ombre de l'humanité" afin de conférer au dit mouvement des caractéristiques extrêmement vagues et en cela peu convaincantes.

Outre des omissions fort regrettables - origine romantique du monstre contemporain, importance métaphorique du critère architectural, du sentiment "fin-de-siècle" - l'auteur aligne les approximations ("Dario Argento, le maître du slasher et du gore"), généralités (les goths sont "majoritairement athées") ainsi que des appréciations trop peu argumentées (le chef-d'oeuvre de Bram Stoker, "Dracula" est qualifié de "pavé (...) indigeste et convenu" ; le PREDATOR de McTiernan "semble plus fade aujourd'hui qu'à sa sortie". De manière générale, "Le Cinéma gothique. Un genre mutant" aurait gagné à davantage de rigueur, quitte à restreindre une perspective d'étude laquelle englobe un nombre incalculable d'oeuvres. À ce sujet, Valérie palacios arbore une culture cinématographique non négligeable qui réjouira les néophytes en quête de "joyaux" à (re)visionner.

La critique nous dresse en effet un large panorama des principaux métrages qui, selon elle, illustrent, voire déterminent, l'évolution des thèmes analysés. Ainsi réfère-t-elle au Dracula traditionnel de Lugosi, de la Hammer, de Coppola ou Guy Maddin mais n'élude pas les versions punk (GÉNÉRATION PERDUE ; AUX FRONTIÈRES DE L'AUBE), aristocrates (LES PRÉDATEURS ; ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE) ou "intellectuelles" (LA SAGESSE DES CROCODILES ; THE ADDICTION) du personnage. Les chapitres suivants comportent un nombre sensiblement équivalent d'exemples. Du WEREWOLF d'Henry McRae (1913) à GINGER SNAPS pour ce qui est du loup-garou, des bêtes de Jacques Tourneur au FRANKENSTEIN de Whale en passant par les créatures du cyberpunk, freaks et autres monstres; le livre brasse une somme impressionnante de références cinématographiques. Les fans d'occulte ne seront pas en reste grâce aux parties consacrées aux Diable, fantômes et mysticisme tandis que ceux intéressés par le fétichisme devront se contenter de courts développements. Cette avalanche d'occurrences restreint naturellement la quantité des analyses détaillées dont quelques-unes s'avèrent pourtant significatives. BLADE RUNNER, ALIEN et LA MAISON DU DIABLE inspirent Valérie Palacios qui, par ailleurs, formule de judicieuses critiques. Aussi remarque-t-elle que l'imagerie gothique tend à masquer la vacuité thématique de certains films contemporains.

En conclusion, "Le Cinéma gothique. Un genre mutant" enthousiasmera ceux qui projettent d'enrichir leur culture cinématographique mais frustrera les amateurs d'un genre gothique, objet d'interprétations tant évasives que lacunaires.

Rédacteur : Cécile Migeon
46 ans
33 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
Le livre
Editeur
Camion Blanc
Auteur
Valérie Palacios
Date de sortie
04 mai 2009
Prix
28 € (Euros)
Format
15 x 21 cm
224 pages
Illustrations
Noir & blanc
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